Sud-Kivu : Des filles mineures hébergées chez leurs grandes sœurs exposées aux violences sexuelles de leurs beaux frères

A Bukavu dans la province du Sud-Kivu, de nombreuses familles pauvres envoient leurs filles, encore mineures, habiter dans les foyers de leurs grandes sœurs mariés. Souvent pour les aider à entretenir la maison et les enfants mais aussi profiter d’une prise en charge scolaire et en aliments de la part du couple. Mais certains beaux-frères en abusent en s’adonnant aux harcèlements et parfois aux viols face à ces jeunes filles qui vivent sous leurs toits. Une pratique pourtant illégale et réprimée par la loi.

 «  J’avais 15 ans quand ma grande sœur  m’a invité vivre chez elle en 2018 car elle était enceinte et maladive. Comme je n’étudiais plus par manque de frais scolaires, j’avais accepté de quitter le village pour la rejoindre avec son mari et ses trois enfants en ville. Après quelques mois, ma sœur est tombée malade, son mari l’avait conduit à l’hôpital, et moi j’étais resté à la maison garder les enfants et leur préparer à manger. Elle avait fait un mois et demi à l’hôpital. Et c’est à ce moment, profitant de son absence, que son mari, mon beau-frère, avait   commencé à m’inviter dans sa chambre pour coucher avec moi contre ma volonté.  Chaque fois quand j` essayais de crier ou refuser, il promettait me remettre à l’école et m’acheter des cadeaux. Cette situation avait causé la dislocation du mariage de ma sœur car, chaque jour il y avait des querelles et des disputes et au final ils se sont séparés à cause de moi. Je suis restée choqué depuis tout ce temps-là, jusqu’aujourd’hui », témoigne Rosalie, 18 ans, rencontrée à  Bukavu ce mois de mars 2021.

La même situation a aussi été  son de cloche pour Wivine, 19 ans. Alors qu’elle n’avait que 17 ans, elle a été envoyée chez sa grande sœur pour s’occuper des travaux ménagers.  Mais son beau-frère n’a pas hésité d’abuser d’elle.

 ‘’Je suis restée avec le secret du viol que j’ai subi de la part de mon beau-frère. Il me l’avait fait tout simplement parce qu’il nous avait pris en charge pendant deux ans  moi et mon frère qui vient de finir son premier cycle à l’université. Il avait profité de la pauvreté de mes parents. Et pire encore, le jour où je l’avais informé que j’étais enceinte de lui, il n’avait pas tardé de me proposer de passer à l’avortement. Ca s’était très mal passé jusqu’ à ce que je sois admise dans l’hôpital pour une intervention chirurgicale’’, regrette-elle.

Le silence des survivantes

Dans la province du Sud-Kivu, à l’Est de la République démocratique du Congo, nombreuses petites filles subissent pourtant les harcèlements sexuels ou des viols sous les toits de leurs grandes sœurs. Mais suite aux constructions sociales, au souci de préserver l’image du couple de leur ainée et aux préjugées dont elles sont exposées en cas de dénonciation, la grande majorité préfère garder le secret.

Pour Maitre Pascal Mupenda, responsable de l’organisation Partenariat pour la protection intégrée, PPI,  des cas de harcèlement sexuel ou de viol signalés dans certains ménages de la ville de Bukavu sont réels. Une situation qui dure plusieurs années, mais malheureusement, dont les bourreaux ne sont pas poursuivis. Il invite les survivantes à dénoncer. ‘’ Il faut que les survivantes apprennent aussi à réunir des preuves pour que la juste s’en saisisse », indique Mupenda.

« L’article 170 de la loi sur les violences sexuelles punit le viol d’une peine allant de 5 à 20 ans de prison. Les personnes reconnues coupable du harcèlement sont punie quant à elles d’une peine pouvant aller à 12 ans de prison ferme selon l’article 174d de la même loi. Dès que cela est fait sur une personne de moins de 18 ans, l’infraction est consommée », explique-il.

Pour Douce Namwezi, responsable de l’organisation Uwezo Afrika, une organisation de promotion des droits des femmes, les survivantes doivent sortir de leur silence et prendre le courage de dénoncer leurs bourreaux  aux instances judiciaires compétentes afin que ces derniers répondent de leurs actes devant la loi.

« Souvent  c’est des violences qui se passent dans nos familles, c’est la toute raison d’être de la police de proximité, la raison d’alerter les autorités qui peuvent effectivement prendre le pouvoir de sanctionner et amener en justice les auteurs afin que les victimes des violences sexuelles recouvrent leurs droits », déclare-t-elle. Elle invite aussi les parents et membres des familles à arrêter de couvrir des telles déviations dans les ménages qui exposent la jeune fille.

Contacté à ce sujet, le ministre provincial du genre famille et enfants  Cosmos Bishisha,  déplore la persistance  de cas  de harcèlement sexuel dans de ménages. Il encourage des victimes de sortir de leur silence afin de punir ces auteurs qui sont, selon lui, sont dépourvus de conscience.

«  Je pense que la première chose à faire c’est de punir ces bourreaux. Ces petites filles que les parents envoient chez leurs grandes sœurs pour donner un coup de mains, devraient aussi avoir le courage de dénoncer chaque fois que des mouvements pareils  se produisent. Cela va permettre à nous, les autorités, une fois averties, de prendre des mesures pouvant les protéger et les défendre en cas de harcèlement sexuel », recommande ministre du genre au Sud-Kivu.

Francine Cikezo

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