RDC : La non application effective des textes et instruments juridiques nationaux et internationaux, un obstacle pour la participation politique de la femme congolaise dans la gestion de la chose publique

En RDC, l’inapplication effective des textes sur les droits de la femme est parmi les sources de la faible participation de cette dernière dans la gestion. A des postes de nominations ou électifs, la femme congolaise est moins représentée. Cette situation se manifeste alors que, la constitution de la RDC consacre le principe de la parité à son article 14 mais aussi ; la résolution 1325 des Nations Unies parmi d’autres instruments qui encouragent la participation de la Femme dans la gestion de la chose publique.

Dans l’actuel gouvernement national, les femmes représentent 27% parmi les ministres nommés en avril dernier. Les hommes à eux seuls occupent les 73% restants de ministères. Au Sud-Kivu ; dans le gouvernement on trouve également une faible représentation des femmes évaluée à 36%. Soit seulement 4 femmes parmi elles, deux ministres, une secrétaire exécutive adjointe et une commissaire générale en charge du genre et affaires sociales sur 11 hommes.

Bien que certains observateurs considèrent les 27% de femmes dans le gouvernement central comme une avancée mais, le pourcentage de femmes reste toujours loin de celui de 50% tel que dit dans la constitution du pays dans son article 14.

En mai dernier, l’État de siège a été proclamé dans les provinces du Nord-Kivu, de Bunia et de Ituri pour y mettre fin à l’insécurité. Des gouverneurs militaires y ont été nommés en remplacement des civils. Mais aucune femme n’a été nommée comme Gouverneure ou vice-gouverneur. Pourtant il y a des femmes dans l’armée et la police congolaise avec les mêmes grades. Douce Namwezi, défenseur des droits humains et particulièrement ceux des femmes et des jeunes filles, pense que ceci pèche contre la constitution de la RDC et la résolution 1325 du Conseil de sécurité des Nations Unies.

Il faut de la volonté politique

Pour Agnès Sadiki, ancienne ministre provinciale au Sud-Kivu, la non application effective des textes et autres instruments juridique qui plaident pour la femme découle de la mauvaise volonté des décideurs qui nomment et des législateurs qui doivent faire des suivis des lois et textes qu’ils élaborent et votent.

“ (…) Ils mettent plutôt des intérêts égoïstes à la première ligne qui sont beaucoup plus à la faveur des hommes que des femmes. Même pour ceux qui sont à la commande des partis politiques , tiennent moins compte des compétences de nous femmes lorsqu’il s’agit de proposer des listes pour des nominations et c’est pourquoi plusieurs défis et obstacles freinent l’émergence de la femme politique en RDC”, explique Agnès Sadiki.

“ On ne sait pas capitaliser les compétences et capacités ainsi que l’expertise des femmes. Le gouvernement n’a pas une politique ni même des mécanismes d’encadrement et d’accompagnement des femmes pour une meilleure participation en politique et encore moins, pas même des stratégies pour les élections des femmes au pays”, ajoute Sadiki.

Même son de cloche pour Venantie Bisimwa, plusieurs fois candidate aux élections législatives depuis 2006. Elle regrette de constater que malgré l’évolution de la RDC sur le plan élaboration des lois qui promeuvent la participation politique des femmes, ces dernières se heurtent face à un obstacle majeur: le manque de volonté de décideurs d’appliquer ces textes.

” Le problème réside au niveau de la volonté politique des hommes qui sont dans des institutions, ceux de qui dépend cette décision de faire participer les femmes”, explique Venantie Bisimwa.

” Les institutions du pays sont dirigées par les hommes. Et certains hommes politiques sont restés dans leurs croyances coutumières de croire que les femmes ne peuvent pas diriger et ils amènent cela dans la gestion de la chose publique, et cela constitue un obstacle pour notre participation politique en tant que femme”, a-elle-renchérit.

Gisèle Buhendwa, femme politique membre du Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie (PPRD), insiste aussi sur le manque de volonté dans la mise en œuvre de la parité homme-femme en RDC.

” Nous continuons de dénoncer la violation des textes et instruments juridiques nationaux et internationaux. Pourtant, ces textes sont progressistes mais ils souffrent de non application tout simplement parce que les animateurs des différentes institutions du pays ne s’impliquent pas activement pour faire respecter la loi fondamentale du pays (la constitution) moins encore les instruments juridiques internationaux auxquels la RDC a ratifié “, martèle Gisèle Buhendwa.

Vulgariser la loi

Pour Me Zozo Sakali, avocat au barreau de Bukavu, il faut une bonne vulgarisation de la loi sur la parité en RDC. Selon l’article 14 de la Constitution de la RDC, “ la femme a droit à une représentation équitable au sein des institutions nationales, provinciales et locales. L’État garantit la mise en œuvre de la parité homme-femme dans lesdites institutions”.

” (…) Il n’y a pas que la constitution qui reconnait à la femme la participation politique et à la gestion de la chose publique. La loi du 01 Août 2015 portant modalités d’application des droits de la femme et de la parité est claire à ce sujet. En son article 10, elle dispose que l’homme et la femme ont droit à l’égalité des chances et c’est le gouvernement qui doit tout faire pour mettre en place une politique pour promouvoir l’égalité des chances dans le respect des textes”, note Me Zozo Sakali.

Douce Namwezi, coordinatrice de Uwezo Afrika Initiative, espère elle que le pays pourrait se doter de lois plus contraignantes à l’égard des autorités publiques pour le respect de l’équilibre genre.

” Les instruments juridiques qui réglementent cette matière, n’ont pas forcément une connotation contraignante. Les Etats qui ratifient ces instruments marquent juste leur volonté de promouvoir la participation des femmes mais sans prévoir de sanctions au cas où cela n’est pas fait”, regrette-t-elle“.

“ S’il y avait contrainte, les acteurs politiques pouvaient être sensibles à la participation égale des hommes et femmes dans la gestion de la chose publique. On peut avoir des bons textes mais sans volonté, c’est difficile de les mettre en pratique”, souligne Namwezi.

Ce qu’encourage aussi le député provincial Koko Cirimwami. ” Il faut que les responsables des partis politiques puissent incarner en eux, la volonté de toujours désigner, de proposer les noms de femmes aux autorités exécutives afin que ces dernières à leur tour puissent les nommer aux postes décisionnels en faisant preuve du respect des textes légaux”, insiste-t-il.

Douce Namwezi recommande enfin aux femmes de ne pas baisser les bras dans leur lutte pour une meilleure représentativité dans l’espace politique en RDC. “Elles doivent batailler très fort pour leur positionnement dans les partis politiques et avoir surtout leurs propres visions en tant qu’actrice politique pour le changement positif du pays à travers le leadership féminin”.

Il sied de noter que plusieurs instruments juridiques nationaux et internationaux qui promeuvent la participation politique de la femme en RDC, souffrent de la non application effective, c’est notamment la loi du 01 Août 2015 portant modalités d’application des droits des femmes, la Déclaration universelle des droits de l’homme, la convention sur les droits politiques de la femme (Résolution 640 du 20 décembre 1953), La convention sur l’élimination des toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDEF de 1979), Le pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966, La Résolution des Nations Unies du 10 février 2004 sur la participation des femmes à la vie politique, la constitution a son article 14, la Résolution 1325 du 31 Août 2000 qui concerne les droits des femmes, la sécurité et la paix, pour ne citer que cela.

Cet article a été produit en collaboration avec Journalistes pour les droits humains, JDH/JHR avec l’appui d’Affaires mondiales Canada

Moïse Aganze

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