Sud-Kivu/Kalehe : Plusieurs filles mineures abandonnent les études à Bitale suite au mariage précoce

Le mariage précoce ou forcé est l’une de pratique qu’interdit la loi en République démocratique du Congo. A Bitale, un groupement de la chefferie de Buloho dans le territoire de Kalehe, plusieurs filles âgées de moins de 18 ans sont victimes de cette pratique. Certains habitants que nous avons rencontrés sur place, ce 27 mars 2021, renseignent que cela est due à la pauvreté grandissante et la présence des maisons de tolérances dans le milieu.

A Bitale des filles, dont l’âge varie entre 12 à 16 ans, sont contraintes à contracter des mariages de manière précoce. Nombreux parents préférant scolariser les garçons au détriment des filles. De par la coutume locale, les filles sont éduquées pour le ménage et non pour leur indépendance.

« Je me suis marié à 16 ans car mes parents m’ont poussé à quitter la maison très vite. Moi je n’ai pas eu la chance d’étudier, car mes parents l’ont voulu. Ils ont privilégié mes frères. Parce que je n’avais plus quoi faire, j’ai été obligé de me marier », témoigne, sous anonymat, cette jeune mère de sept enfants, mariée depuis près de 10 ans.

De son côté, Hekima, raconte avoir vécu le même problème. Elle n’avait qu’autours de 13 ans quand elle est partie vivre chez son mari. « J’étais en septième année quand je me suis retrouvé enceinte. De ma propre volonté, j’ai décidé d’aller chez mon mari. Aussitôt chez lui, la belle famille est allée voir mes parents avec des chèvres pour officialiser coutumièrement notre mariage. Quand j’ai mis au monde, mon mari m’abandonné car ne voulant plus de moi. J’ai souffert, j’ai n’avais pas à m’habiller, ni l’huile de l’enfant je n’avais pas. C’était un calvaire », témoigne-t-elle. « Maintenant je suis rentré chez nous, mes parents m’ont accepté et m’ont pardonné mais je ne suis plus retourné à l’école», regrette Hekima.

Par ailleurs, Kutaka, elle, est tombé enceinte à 15 ans alors qu’elle était encore élève. Ses parents l’ont obligé à vivre avec le garçon, auteur de la grossesse.

« J’ai abandonné les études en huitième année. Aujourd’hui, j’ai 17 ans, et mon fils à 2 ans. J’étais en vacance à Kalonge, quand j’ai connu le garçon qui m’a rendu grosse. j’ai l’aimé depuis longtemps. Nous avions vécu comme mari et femme avec lui, après que j’ai aie mis au monde, le mari est parti à Uvira deux mois après. J’ai supporté pendant un moment, mais quand j’avais constaté que je n’avais plus comment vivre étant seule avec mon enfant, j’ai commencé à faire des travaux de champs pour qu’au retour je trouve à manger. Après je me suis fatigué, maintenant là, je suis chez nous avec mon enfant et j’ai recommencé les études », dit-t-elle.

Pratique encouragée par la coutume locale

Contacter à ce sujet, Sanyambo Zacharie reconnait que nombreuses filles sont donné en mariage dans cette partie du territoire de Kalehe avant l’âge légal. Ces mariages, selon lui, sont encouragés par la coutume locale, qui depuis des temps, le mode de mariage était la ratte, ajoute-t-il.

« Les mariages précoces existent. Dans les écoles, on observe l’abandon des filles plus que celui des garçons. Le motif avancé est souvent le manque des frais de scolarités. Les parents sont désintéressés par l’éducation des enfants surtout des filles», indique-t-il.

Notre source pense que, pour limiter cette situation, il faudra rééduquer les parents, renforcer la police et d’autres autorités locales qui ferment les yeux dans certains cas, pour qu’ils n’acceptent plus des médiations pour favoriser les mariages d’enfants.

Pour sa part Ngomorha Matabaro, une femme leader du terroir de Kalehe, affirme que plusieurs cas sont notifiés dans la communauté.  Ces cas sont liés à l’ignorance de la loi par la communauté.

Elle parle d’un cas plus récent d’une fille de 13 ans qui  venait de terminer l’école primaire. « La fille était délaissée par les parents, conséquence, elle est tombée enceinte d’un jeune homme de plus de 18 ans, vendeur des cartés prépayées, qui malheureusement a pris fuite», explique-t-elle.

Ngomorha croit, qu’avec la sensibilisation de la communauté et l’implication des autorités à tous les niveaux, mais aussi des parents, la solution peut être trouvée.

« Le délaissement des enfants par leurs parents fait que certaines filles se laissent utiliser par les garçons pour leurs besoins sexuels. Qu’on fasse une sensibilisation forte. Qu’on montre aux gens que le mariage précoce n’est pas autorisé. Que les parents répondent à leurs responsabilités envers leurs enfants », renchérit-t-elle.

Au bureau de la police locale de Kalehe, Mashimango Sage, chargé de la police de protection de  l’enfant contre les violences sexuelles (PEPVS), confirme que des cas existent mais ne sont pas dénoncé. Toutefois, « aussitôt alerté par les services de renseignement d’un seul cas, la police s’en saisit même s’il n’y a de plainte », indique-t-il.

Celui-ci signale, qu’à leur niveau, ils n’ont pas le pouvoir de condamner l’auteur, ni d’infliger d’amendes. « La mission de la police est de faire respecter la loi qui parle sur les violences sexuelles, chercher et transférer les commanditaires devant l’autorité compétente qui est le parquet », ajoute Mashimango. « Il y a plus de deux semaines, nous avons transféré un jeune homme auteur d’un cas de viol à la prison de Kabare », renseigne-t-il.

Pour Maitre Pascal Mupenda, défenseur des droits humains, selon la loi congolaise, seule la personne majeure, âgée d’au moins 18 ans, est autorisée à contracter un mariage.

« Nous connaissons déjà tous que la constitution a déjà tranchée, en disant qu’est considéré comme personne majeure, celui qui a l’âge de 18 ans révolu. Ce qu’à ce niveau, on ne peut plus penser qu’un enfant peut se marier. Encore que même la loi sur la protection de l’enfant n’est pas d’accord avec le mariage de l’enfant », précise-t-il.

Selon l’article 170 de la loi sur les violences sexuelles, « est réputé viol à l’aide de violences, le seul fait du rapprochement charnel de sexes commis sur les personnes âgées de moins de 18 ans ». « La loi prévoit des lourdes peines pouvant aller jusqu’à 20 ans de prison », souligne Me Pascal Mupenda.

Juvénal Mutakato

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