La province minière du Lualaba considère la vaccination des enfants comme une priorité

Se rapprocher des familles et des travailleurs pour faciliter la vaccination des enfants non et sous-vaccinés. Un vendredi matin normal, Sylvie aurait été occupée à vendre de la nourriture dans la zone minière de Shabara, située dans l’aire de santé de Kawama de la province du Lualaba, un village ou la plupart des habitants travaillent dans les mines de cobalt, à 300 km de la ville de Kolwezi.

« Il y a trois ans, nous vivions à Kasumaba Luilu dans le Haut-Lomami. Nous sommes venues ici pour vendre des produits aux travailleurs des mines », explique-t-elle.

Mais, une fois n’est pas coutume, à court d’argent pour renouveler son stock, la jeune femme et sa fille de trois ans, Okala, de retour à la maison, déçues, ont croisé la route d’une équipe du programme élargi de vaccination (PEV) en train d’administrer des vaccins aux enfants de Shabara.

« Ma fille n’a jamais été vaccinée : elle est née dans la maison de notre prophète et n’a jamais été malade », confie Sylvie.

Pourtant, la présence des vaccinateurs a eu raison de ses hésitations et Okala a pu recevoir son premier vaccin. Avec cette première injection, elle est désormais moins à risque de contracter une maladie potentiellement mortelle comme la rougeole ou la polio.

Avec plus de trois millions d’habitants et 14 zones de santé couvertes par deux de ses antennes, le PEV au Lualaba estime devoir vacciner environ 121 000 enfants âgés de 0 à 11 mois. Selon les résultats de l’enquête de 2022, la couverture vaccinale complète a atteint 44,2% dans la province, contre 45% au niveau national, en-dessous des objectifs de 75% que s’est fixée la RDC pour 2027.

Pour vacciner chaque enfant, il est désormais capital de renforcer les soins de santé primaires et de fournir au personnel de première ligne les ressources et le soutien dont il a besoin. Cela est d’autant plus important dans les provinces ou les services de vaccination sont difficiles d’accès pour une population peu éduquée et sous-informée, qui dispose de moyens limités pour se rendre dans les centres de santé.

Les services de base tels que l’eau, l’assainissement et l’éducation sont rares, et l’alimentation reste la priorité des familles.
Des stratégies de vaccination mobiles pour atteindre une population en constant déplacement.

Dans un village comme Shabara, les familles viennent de toutes les provinces à la recherche d’une vie meilleure ; les travailleurs se déplacent sans cesse a la recherche de travail dans les sites d’où ils pourront extraire le précieux minerai qui, une fois monétisé, nourrira leurs enfants. Ces mouvements de population, incontrôlés, compliquent la tâche des services de vaccination.

« Pour atteindre les enfants en déplacement, nous devons mener des activités de proximité quotidiennes », explique Apollinaire, infirmier titulaire au centre de santé Kawama.

Le Lualaba déploie désormais des équipes mobiles pour atteindre ces enfants, notamment à Nguba, Tenke et Manika, des lieux de regroupement des véhicules et de leurs passagers venus chercher du travail dans les carrières minières.

« Nous mettons en place des stratégies communautaires pour essayer de retrouver ces enfants, notamment en milieu urbain et aux carrefours, y compris à l’arrêt de Nguba, qui reçoit entre 50 à 100 camions par jour venant de tout le pays », détaille le docteur Patrick Tshinawej, médecin coordonnateur du PEV au Lualaba.

« Parmi les voyageurs, il arrive que nous ayons plus de 300 enfants éligibles à la vaccination chaque jour. »

On estime qu’au moins 2,5 millions d’enfants seraient sous-vaccinés en RDC (ils n’auraient reçu qu’une partie des vaccins du calendrier de routine) ou non-vaccinés (ils n’auraient reçu aucun des vaccins du calendrier de routine).

Comme Okala, la majorité de ces enfants sont nés dans des familles pauvres et en difficulté. Quand les structures de santé existent, elles ne sont pas connues par ces communautés, qui les fréquentent peu. Pour ces familles, l’utilisation des services de vaccination de routine est une option, pas une priorité : s’y rendre demande du temps et de l’argent, un coût supplémentaire qui grève leurs maigres ressources.

« Pour nous permettre de répondre aux besoins de ces populations, il nous faut davantage de financements afin de développer l’offre de santé pour les soins primaires dans les quartiers d’habitation, afin que l’accès soit facilité », explique Apollinaire.

Des protocoles d’accord en faveur du renforcement de la vaccination de routine et de l’éradication de la poliomyélite
Depuis la signature du protocole d’accord entre la Fondation Bill & Melinda Gates (BMGF) et les autorités provinciales, des progrès significatifs ont été réalisés en termes de récupération des enfants n’ayant reçu aucune dose des vaccins indispensables à leur survie. La couverture du vaccin Penta 3, antigène indicateur pour estimer la performance du système de vaccination de routine, a ainsi atteint dans le Lualaba, contre 51% dans le Tanganyika par exemple.

« Nous avons constaté une nette amélioration depuis la signature du protocole d’accord en ce qui concerne la récupération des enfants n’ayant reçu aucune dose et des enfants sous-vaccinés », constate le docteur Jacques Mukaba, médecin-chef de la zone de santé de Fungurume.

« Les activités de vaccination se déroulent normalement, conformément à la politique du pays. Nous avons le devoir d’atteindre tous les enfants éligibles à la vaccination, où qu’ils soient et à tout moment », ajoute-t-il, louant les efforts des infirmiers et des vaccinateurs, en première ligne dans la lutte contre les maladies infantiles mortelles.

En octobre 2018, BMGF et les provinces du Tanganyika et du Haut-Lomami signaient des protocoles d’accord pour renforcer la vaccination de routine et arrêter les épidémies de poliomyélite. Elles ont été rejointes par le Lualaba en juin 2021. Les trois provinces présentaient un même profil épidémiologique : un taux de mortalité infantile supérieure à 40 pour 1 000 ; une couverture vaccinale complète de moins de 50 %, plus de 10 % d’enfants non-vaccinés (‘zéro-dose’) et un risque élevé d’épidémies.

Alors que Lualaba ne comptait que 21 % d’enfants complètement vaccinés en 2017 et 2018, ils sont désormais près de 45% à l’être, selon les résultats de la dernière enquête menée en 2022. Entre janvier et septembre 2023, la province de Lualaba a réduit de moitié le nombre d’enfants zéro-dose, de 18 000 à 8 154, auxquels s’ajoutent 5 462 enfants sous-vaccinés qui n’ont pas encore achevé leur calendrier de vaccination. Mieux : en 2021 et 2022, la province du Lualaba a été en mesure de contribuer au montant total prévu pour les activités de vaccination, soit 300 000 et 400 000 USD !

Compte tenu des excellents résultats obtenus par l’accord conclu avec la Fondation Gates, l’agence américaine pour le développement international, USAID, et l’Alliance pour le vaccin, GAVI, ont à leur tour rejoint le mouvement et ont adhéré au protocole d’accord en juin 2023 : cela représente pour le Lualaba de nouvelles opportunités de financement, qui lui permettront d’améliorer ses services de vaccination et atteindre les communautés les plus vulnérables.

Par Yves Ndjadi, responsable de la communication de PATH détaché au PEV

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