Bukavu : Discrimination de la femme au sein des comités syndicaux des marches

A Bukavu, les femmes vendeuses sont moins représentées dans les délégations syndicales des marchés. Ces structures syndicales sont, en effet, censées représenter les intérêts des vendeurs et composées par des membres qui sont élus. La ville de Bukavu compte 12 marchés, dont 4 dans la commune d’Ibanda, 4 dans la commune de Kadutu et 4 à Bagira. La majorité de ces marchés est dirigée par des hommes. Seuls les marchés de Lwakabiri, feu rouge, Ciriri et celui de Limanga à Kadutu comptent des femmes au sein de leurs comités syndicaux. Cela malgré que les femmes soient majoritaires dans les marchés de Bukavu.

Au marché de Nyawera en commune d’Ibanda par exemple, sur les 15 membres qui composent le comité syndical, seules trois femmes dont une assure le poste de la vice-présidence. Au marché de Kadutu par contre, sur les 15 membres que composent le comité 4 femmes y sont, soit 6 % de représentativité.
Pour certaines femmes, le manque d’information et les stéréotypes constituent un frein pour l’accès des femmes vendeuses à la direction des comités syndicaux. C’ est le cas de Lydie Balegamire, vendeuse au marché de Bagira et candidate non élue au poste du président syndical dans ledit marché. ” A la manifestation de ma candidature à la présidence de la délégation syndicale en 2015, j’ ai commencé à recevoir des propos de découragement de la part de mes collègues vendeurs et vendeurs. Certains me disaient que la gestion des conflits du marché c’est une tâche qui ne paraît pas facile. Même les hommes bien y échouent par fois à plus forte raison moi femme », explique Lydie.

« J’ai reçu le soutien des certaines vendeuses et les autres s’opposaient toujours à ma candidature », révèle-t-elle.

« Mon mari m’a accompagné moralement et matériellement mais malheureusement je n’ai pas été élue. Sur les 40 membres votants j’ai reçu que 10 voix pour 7 femmes et 3 hommes », regrette-t-elle.

Lydie n’est pas la seule femme a avoir manifesté le désir de diriger le comité syndical dans le marché où elle vend.

Mme Mapendo Bisimwa, trésorière du comité syndical du marché de Nyawera en témoigne aussi : « J’ai souvent eu l’ambition diriger le comité syndical, mais comme femme je reçois des mots de découragement de la part des hommes et femmes vendeurs disant que cette affaire de syndicat, est une affaire d’hommes. Parfois, même lorsqu’on constitue des comités intérimaires dans des marchés, nous sommes souvent écartés du poste de président. On nous confie souvent à la femme le poste de la trésorerie, même lors des élections. Ils nous qualifient d ‘incapables alors que nous avons des capacités et des atouts comme tout le monde », explique-t-elle.

Francine Kulimushi, vendeuse au marché de Nguba comme Lydie et Mapendo est aussi intéressée pour diriger le comité syndical dans le marché de Nguba où elle exerce son commerce. Elle déplore aussi le manque de soutien des hommes et femmes qui les découragent pour exprimer leurs ambitions.

« Comme d’ autres femmes, je suis aussi intéressé de diriger la délégation syndicale dans mon marché. Mais malheureusement lors des élections ou des nominations, on nous écarte souvent pour participer dans la gestion. Si vous regardez les marchés de Bukavu où des femmes dirigent, ces marchés connaissent le développement », explique Francine.

Fabien Binja Biringanine, président syndical du marché de Nyawera, dans la commune d’Ibanda, n’est pas, lui, de cet avis. Comme pour plusieurs hommes dans ces marchés, il accuse les femmes de ne pas être compétentes pour occuper des postes de direction.

« Dans la ville de Bukavu, la majorité des vendeurs sont des femmes, mais en ce qui concerne le leadership, je vous précise qu’il n’y a pas de représentativité des femmes dans les différents comités, car à 80% ce sont des femmes qui n’ont pas un bagage considérable. C’est pourquoi elles ne postulent pas à des postes étant donné qu’elles seront incapables de produire un travail de qualité au courant de leurs mandats mais aussi gérer le marché, est une chose compliquée c’est pourquoi les femmes ont peur des dossiers que nous traitons au niveau des marchés. Pour que les femmes soient représentées il faudra qu’on puisse avoir les capacités en matière de résolution de conflit et surtout en leadership».
Des propos que ne partage pas Francine Kulimushi.

« Regarder le marché du “Feu rouge” par exemple, il a connu beaucoup des changements de son comité syndical. Aujourd’hui, il est dirigé par une femme depuis 2018. Ce marché il est parmi les bien gérés », affirme-t-elle avec sourire.

Cakupendwa Zihalirwa , est, en effet, l’une des rares femmes à être présidente du syndicat d’un marché à Bukavu. Elle dirige depuis 2018 le marché Feu Rouge dans la commune d’Ibanda. “j’ai commencé à diriger ce marché depuis février 2018. Avant moi , il n’y a que des hommes qui l’ont dirigé chaque fois qu’il y’ avait élection ou nomination. J’ai alors décidé de tenter ma chance. Heureusement j’ai eu le soutien de presque la majorité des vendeurs et vendeuses. Bien sûr j’avais connu des petits découragements de la part des certains membres mais je suis restée déterminée et engagée dans mes décisions . Et après , sur les 10 candidats qui avaient postuler à ce poste de la présidence , j’ai remporté les élections

Celle-ci encourage les autres femmes désirant diriger les comités de marché de toujours tenter leurs chances en postulant lors des élections car, estime-t-elle, rien n’est compliqué en matière de gestion si et seulement si on est déterminé .
Tumusifu Kazamwali, vendeur au marché feu rouge, est de cet avis. Il pense que seule la compétence doit compter et non le sexe du candidat au poste de direction

“Je ne vois pas pourquoi les femmes peuvent être sous estimées encore ce temps , alors que même la loi garantit leurs accès à des postes décisionnels et l’égalité des chances. La seule recommandation aux femmes vendeuses est de toujours postuler à des postes lors de élections au sein des différents comités syndicaux.Aux hommes , de toujours soutenir les candidatures féminines lors des différents élections car la femme a aussi des capacités et compétences pour diriger”, lance-t-il.

Pour Jean Baptiste Baciyunjuze , chargé de programmes de Réseau des Femmes pour le Développement et la Paix (RDFP), il faut plus de sensibilisations auprès des vendeuses et vendeurs des marchés sur la prise en compte du genre.

« On devait mettre en place un mécanisme de pouvoir intégrer les femmes aux postes décisionnels.

Par exemple, appliquer la discrimination positive en faveur de la femme pour le faire participer dans la gestion des comités syndicaux », pense-t-elle.

«  Nous faisons des sensibilisations aux femmes vendeuses de Bukavu pour leurs auto prise en charge et des plaidoyers auprès des autorités qui gèrent les marchés pour la défense de leurs droits, et leurs accès aux postes décisionnels », poursuit-il.

Néné Bintu Iragi , coordonnatrice du Collectif Simama Congo (C.O.S.C/ASBL) , une organisation qui lutte pour la défense et la promotion du genre et de l’égalité des chances entre l’homme et la femme pointe, quant à elle, les stéréotypes à l’égard de la femme. : « la cause de la faible représentativité des femmes au sein des comité des marchés de Bukavu est due du fait que certains hommes vendeurs ont encore la culture de minimiser, la considérer comme incompétente et incapable de dirigée », explique Néné.

« La sous-représentation des femmes dans la gestion des délégations syndicales des marchés à Bukavu ne marche de paire avec la constitution de notre pays. Elle prévoit l’égalité entre l’homme et la femme en son article 14. En lisant cet article, il est dit que la parité doit être observée dans tous les échelons de la vie publique au niveau national provincial et local. Cela vise non seulement les postes électifs mais également les postes nominatifs », poursuit-elle.

« Outre cet article, il y’a aussi l’article 13 qui banni toutes sortes des discriminations à l’égard des femmes. Nous continuons des plaidoyers et les sensibilisations pour réveiller les consciences des femmes vendeuses et étudier les mécanismes pour qu’elles participent massivement dans la gestion des leurs comités respectifs », conclut-elle.

Pour Me Bisimwa Venant, juriste et avocat au barreau de Bukavu, cette faible représentativité des femmes au sien des comités syndicaux des marchés, est due du fait que plusieurs hommes présidents des comités des marchés violent les textes légaux en appliquant le complexe de supériorité à l’égard des femmes.

« Le terme genre, sur le plan juridique c’est une notion complexe. C’st les législateurs Congolais pour rétablir un climat de paix et dégalité de chance entre l’homme et la femme, à établit certaines dispositions légales. La constitution de la Rd Congo, stipule à son article 14 ce qui suit : le pouvoir public veille à lélimination de toute forme de discrimination à légard des femmes et assure la protection de ses droits. A son article 12, tous les Congolais sont égaux devant la loi et ont droit à une protection légale »

Ntumwa Binwa Vianney

Cet article a été produit grâce à l’accompagnement de JHR avec l’appui financier du Ministère canadien du développement international

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