A Kaniola au Sud-Kivu, des survivantes des violences sexuelles vivent traumatisées

Des survivantes des violences sexuelles à Kanyola vivent avec des blessures internes. Kanyola est parmi les milieux où des femmes ont été violées par des porteurs d’armes suite à des conflits armés qui ont surgi après la guerre de libération de 1996. Dans cette entité, des massacres ont été commis, des tueries et des viols massifs des hommes, des femmes, et des filles. Aujourd’hui, nombreuses personnes victimes directes et indirectes vivent avec les traumatismes faute de n’avoir pas trouvé une réparation judiciaire.

Kanyola est un groupement de la chefferie de Ngweshe, territoire de Walungu dans la province du Sud-Kivu. Il est situé dans l’Est de la ville de Bukavu à plus ou moins 82 kilomètres.

A notre descente dans cette partie de la province du Sud-Kivu, nous avons eu le temps d’échanger avec certaines survivantes qui se sont livrées à nous pour nous faire part des leurs situations. Certaines survivantes affirment qu’il y a un problème de moyens qui les bloquent mais aussi ; des personnes hésitent de les accompagner craignant des représailles une fois qu’ils dénoncent des porteurs d’armes. C’est le cas de Akis (nom d’emprunt).

« Je rentrai à la maison en provenance de l’endroit où j’exerçais mon activité de petit commerce. Je vendais de la braise. En cours de route, j’ai rencontré des hommes en armes qui m’ont demandé de l’argent, je n’avais pas la somme demandée. Ces hommes m’ont violée tour à tour et je suis tombée enceinte par la suite. Aujourd’hui j’ai une fille de 8 ans », révèle-t-elle.

« Je voulais dénoncer les violeurs à la justice mais je n’ai pas pu y arriver faute des moyens. Je n’ai aucun soutien. Jusqu’à maintenant, le dossier reste en suspens car il y a personne qui s’implique dans cette affaire suite à la peur de dénoncer des personnes en armes selon eux. Aujourd’hui, je vis avec ce souvenir dans ma tête et je suis avec ma fille », témoigne Akis.

L’appui des organisations locales.
Serge Masheka Superviseur à l’organisation Prévention et réponse sur les violences basées sur le genre PRVBG indique que son organisation a été créée dans le but d’accompagner des femmes et jeunes filles survivantes des violences sexuelles à recouvrir la justice.

«Notre objectif est celui d’apporter une assistance psychologique, morale et juridique gratuitement aux survivantes qui n’ont pas le moyen et qui ont besoin des services qu’on offre », revele-.il

« Nous avons mis en place une initiative qui permettra à aider ces survivantes des violences sexuelles à surmonter leurs peines et des traumatismes », explique-t-il.

« Nous avons mis en place pour les survivantes, une initiative dénommée Association villageoise d’épargne et de crédit « AVEC ». C’est pour résoudre le problème financier que connaissent des survivantes qui les plongent dans la vulnérabilité », affirme-t-il.

Serge indique que son organisation en collaboration avec la fondation Panzi poursuit avec des sensibilisations et l’accompagnement des survivantes des violences sexuelles. Il affirme qu’ils n’assistent pas encore des survivantes dans des poursuites judiciaires pour ceux qui sont de Kanyola.

De son côté Solange Lwashiga du Caucus des femmes Congolaises pour la paix, affirme que la situation d’insécurité dans certaines zones en RDC rend la femme et la jeune fille de plus en plus victimes des violences sexuelles.

«La RDC traverse une période sombre suite à des conflits armés dans certains coins du pays qui font que, des femmes soient de plus en plus victimes des violences sexuelles », exilique-t-elle.

« Nombreuses femmes ont été victimes des violences sexuelles en RDC et comme celles de Kanyola elles attendent toujours que justice soit faite. Le problème que nous observons est qu’il y a des survivantes qui ont peur de dénoncer craignant pour leur sécurité surtout dans des zones où il y a encore des conflits armés », poursuit-elle.

Pour Solange, le problème n’est pas seulement celui lié à la peur de dénoncer car il y a aussi celui lié aux relâchements des bureaux des survivantes une fois entre les mains de la justice.

« C’est choquant pour les survivantes qui dénoncent de voir l’auteur de son viol entrain de circuler librement relâché par la justice, ça décourage », regrette-t-elle.

« Dans notre organisation, on continue avec des sensibilisations et des plaidoyers. A travers ces actions, on pousse les autorités à s’impliquer davantage pour que les bourreaux soient condamnés et qu’il y ait restauration de l’Etat dans des zones où règnent des conflits. Nous encourageons toujours les survivantes à dénoncer », poursuit-elle.

La réaction de l’autorité concernant l’appui des organisations locales aux survivantes.

Pour Matambura Balolebwami, chef de groupement de Kaniola affirme qu’il y a plusieurs années que les viols ont endeuillés les femmes et filles de Kanyola et jusqu’à maintenant, le problème demeure.

«Les survivantes des violences sexuelles trouvent difficile de dénoncer leurs bourreaux suite au manque de moyen et d’accompagnement. D’autres aussi ont peur car violées par des personnes en armes. Il y a l’organisation Prévention et réponse aux violences basées sur le genre PRVBG, en collaboration avec la fondation Panzi qui s’y impliquent », explique-t-il.

« Depuis que cette organisation est arrivée ici à Kanyola, il y a déjà changement sur le problème de violences sexuelles et basé sur le genre. Avant, des survivantes étaient marginalisées dans la communauté et elles ont apporté un changement à travers des sensibilisations des membres des communautés. A ce jour, ils sont en train de faire des enquêtes et des recherches pour aider et accompagner des survivantes à traduire en justice leurs bourreaux», affirme-t-il.

« Jusqu’à ce jour, il n’y a pas de procès ; actuellement nous attendons que justice soit rendue. Nous sommes prêts à recevoir toute personne qui viendra s’investir pour que la justice s’implique dans la traque des bourreaux et que les survivantes de mon entité, trouvent soulagement», déclare –t-il

A Matambura d’ajouter ; rien que la justice si les autorités et autres personnes ne s’impliquent pas dans ces dossiers, le problème de l’impunité des violences sexuelles restera un slogan.

L’article 222 du code pénal congolais qualifie le viol de « crime contre lhumanité » lorsqu’il est commis dans le cadre d’une attaque généralisée ou systématique lancée contre toute population civile.

Pour Maître Pascal Mupenda, avocat au Barreau du Sud-Kivu “le silence qui applique certaines survivantes des violences sexuelles et basées sur le genre, napporte rien comme solution. Elles doivent briser la peur, pour porter plainte”, pense-t-il.

“Le groupement de Kanyola a connu aussi comme d’autres coins de la province des viols massifs des femmes. Ce qui est curieux, cest que les survivantes préfèrent garder le silence par peur de dénoncer au moment où, cela ne leur apportera pas une solution. Que ces femmes se regroupent en association pour hausser leurs voix si, elles ont peur de le faire individuellement. Avec cette option, elles contribueront aussi au plaidoyer que nous sommes en train de mener au niveau international pour une justice transitionnelle face aux crimes qui ont endeuillés des familles et qui obligent des survivantes des violences sexuelles de vivre avec des traumatismes”, explique-t-il.

En 2020, la justice congolaise avait condamné pour une peine à vie l’ancien chef de milice Tabo Ntaberi alias Cheka un chef rebelle qui était aussi reconnu coupable des viols massifs à Walikale au Nord-Kivu en 2009.

Victor Zaluke, JDH

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