Sud-Kivu : L’impunité, l’un des facteurs favorisant la persistance de cas de viol dans le groupement de Kalonge

Les cas de viol n’ont pas encore dit leur dernier mot dans la province du Sud-Kivu et particulièrement dans le groupement de Kalonge en territoire de Kalehe, où nombreuses femmes continuent à être violées au quotidien. Cette forme de violences sexuelles impacte négativement sur la vie sociale des victimes, car même les auteurs de ces actes restent impunis et vivent sans aucune inquiétude et continuent à commettre d’autres forfaits.

Selon un rapport publié par l’Action pour la Restauration de la paix et la Justice (AIPJ), les cas les plus récents sont ceux enregistrés dans la semaine du 15 au 21 Mai 2022 entre Bitale et Kalonge, au lieu appelé Nguliro en chefferie de Buhavu.

« D’après les informations de nos animateurs sur terrain, confirmées par notre point focal sur place à Chifuzi/Kalonge, toutes les victimes seraient des vendeuses d’huile de palme. Elles quittaient les marchés de Bunyakiri dont Kambali, Bulambika, Miowe et les autres à Bitale pour Kalonge, avec chacune un bidon de 20 litres. Une activité qu’elles exercent tous les jours afin de nourrir leurs familles. Ces femmes ne sont pas les premières à être violées par des hommes en arme non autrement identifiés dans ce tronçon Bitale-Chifuzi », témoigne cette organisation.

ARPJ ajoute que ces cas de viol font que certaines commerçantes abandonnent ce travail, qui est pourtant un des moyens de nourrir leurs familles.

« Cette situation devient récurrente car il ne se passe même pas un mois, depuis 2013, sans que les femmes ne soient pas victimes de viol et autres tracasseries dans cet endroit, que ça soit de la part des éléments incontrôlés de FARDC ou des groupes armés », Condamne-t-elle.

Eliane Pole Pole, la chargée des programmes au sein de l’Association des Femmes des Médias (AFEM), une organisation de défense des droits des femmes, pense que la persistance des cas de viol dans le groupement de Kalonge et dans la province du Sud-Kivu en général est due à l’activisme des groupes armés dans cette entité et à l’impunité.

« Nous continuons à dénoncer ces violations très graves des droits des femmes qui nous font choquer, attrister et indigner. Ces incidents de viol sont devenus récurrents dans ce groupement de Kalonge et selon les alertes de notre groupe d’Alerte Précoce, ces cas sont souvent commis par les éléments des groupes armés locaux. Dans un pays qui a des textes de lois qui protègent les droits des femmes, ces dernières ne devraient pas continuer à être violées. C’est vraiment avec un sentiment de regret que nous avons appris le viol de 16 femmes à Kalonge dans l’espace de 7 jours, soit une semaine. Nous pensons que cette persistance de cas de viol est causée par la présence des groupes armés dans cette entité, car il y a encore des endroits où on ne sait pas se promener en toute sécurité », Fustige Eliane Pole Pole.

Et de poursuivre :

« Nous regrettons de constater que notre pays a des textes de lois qui incriminent les cas de viol et d’autres formes de violences sexuelles, mais qui ne sont pas appliqués et cela fait que les auteurs de ces actes ne soient pas punis et continuent à les commettre du jour au lendemain sans qu’ils ne s’inquiètent de rien ».

Pole Pole indique que son organisation continue à œuvrer pour l’accompagnement des survivantes des violences sexuelles à travers diverses activités de référencement pour leur appuyer afin de porter plainte contre leurs bourreaux pour qu’elles soient remises dans leurs droits. AFEM dit poursuivre les sensibilisations des membres de la communauté (Hommes et Femmes) pour leur amener à éviter le silence face aux cas des violences sexuelles et celles basées sur le genre.

« Nous continuons à sensibiliser toutes les couches sociales et particulièrement les femmes victimes des VSBG, pour qu’elles sortent de leur silence et dénoncent les auteurs. Parce que nous avons constaté que parmi les facteurs qui font à ce que les cas de viol et d’autres formes de violences sexuelles persistent, il y a aussi le fait que les victimes préfèrent garder silence par peur d’être stigmatisées, rejetées, pointées du doigt. C’est pourquoi nous leur demandons de briser le silence et la peur », renchérit Eliane Pole Pole.

Cette dernière appelle les autorités politico-administratives et militaires d’assurer la sécurité des habitants vivant dans des milieux périphériques pour barrer la route à ce phénomène de viol qui a élu domicile dans ces entités en proie à l’insécurité grandissante. Les autorités judiciaires sont invitées à se saisir de ces genres d’infractions en effectuant des descentes sur terrain afin de diligenter des enquêtes pour que les auteurs soient dénichés. Cela à travers des audiences foraines, procès pédagogiques soient organisés et aussi ces présumés violeurs soient condamnés conformément à la loi en vue de décourager les cas des VSBG.

Pour Maître Pascal Mupenda, avocat au barreau de Bukavu, il est inconcevable que les violences sexuelles continuent d’être une réalité dans la province du Sud-Kivu et dans le groupement de Kalonge en particulier, où les femmes sont violées du jour au lendemain. Pourtant, poursuit-il, la République démocratique du Congo est très riche en textes légaux relatifs aux droits humains et aux violences sexuelles et celles basées sur le genre.

« Nous avons dans notre pays, tout un arsenal de très beaux textes qui luttent contre les violences sexuelles. Mais qui pourra les exécuter avec l’impunité qui pèse sur les épaules de nos dirigeants ? L’article 170 et 167 alinéa 2 de la loi de 2006 est très clair en ce qui concerne le viol. Et l’article 174.G de la même loi revient sur les sanctions des auteurs hommes ou femmes, de la mutilation. La loi prévoit une peine de 2 à 3 ans et une amende de 200 mille francs congolais. Et dans le cas où, la mutilation conduit à la mort, le bourreau est sanctionné par une peine à perpétuité. Mais avec l’impunité qui est présente dans notre pays, la mise en pratique de ces textes reste parfois utopique et c’est pourquoi même on observe une persistance de cas de viol et d’autres formes de violences sexuelles dans plusieurs milieux », Explique Me Pascal Mupenda.

Ce dernier fait savoir que les violences sexuelles dont sont victimes les femmes du Sud-Kivu et celles du groupement de Kalonge, déstabilisent les survivantes, cette situation les traumatisent et leur créent beaucoup de difficultés. D’où selon lui, la nécessité de déférer les auteurs de viol devant la justice pour qu’ils répondent de leurs actes.

Me Mupenda souligne par ailleurs que, selon la spécificité de l’infraction de violences sexuelles, la prescription est de droit commun. Les infractions des violences sexuelles constructives des crimes contre l’humanité, de génocide sont imprescriptibles.

Contacté à ce sujet, le chef de groupement de Kalonge, confirme la recrudescence des cas de viol commis sur les femmes dans son entité. Il rassure cependant, son implication personnelle pour qu’à travers ses plaidoyers et ceux des différentes organisations de défense des droits des femmes, que les survivantes des violences sexuelles puissent être remises dans leurs droits et voir leurs bourreaux subir la rigueur de la loi. Il poursuit en disant que, cela interviendra pour que ça puisse servir d’exemple à d’autres personnes qui sèment terreur et désolation dans son entité en se lançant dans les viols des femmes.

« Nous avons enregistré plusieurs cas de violences sexuelles et surtout de viol commis par les hommes en arme qui sont souvent des éléments des groupes armés actifs dans notre groupement de Kalonge. Nous avons vécu récemment les cas d’une dizaine des femmes qui ont été violées à Nguliro par les hommes en arme non autrement identifiés. Nous suivons de près cette situation et nous y avons travaillé et nous continuons à y travailler afin que tous les violeurs répondent de leurs actes devant la justice. Nous continuons aussi à mener des plaidoyers pour que la paix et la sécurité soient restaurées dans notre entité », Confie-t-il.

Le chef de groupement de Kalonge fait savoir que depuis le mois de février jusqu’à ce mois de juin 2022, son entité a enregistré au moins 16 cas de viol (ces cas ont été repérés aux structures médicales pour la prise en charge psycho-sociale) et 65 autre cas de violences sexuelles et celles basées sur le genre. Il invite les survivantes de ces genres de cas à collaborer avec les autorités politico-administratives et judiciaires, en dénonçant leurs bourreaux afin que justice soit faite.

En réaction, Jacqueline Ngengele, cheffe de division du genre au Sud-Kivu, indique que la situation des cas de violences sexuelles reste préoccupante au niveau de ses services. Elle précise que son service va renforcer des descentes sur terrain à Kalonge et dans d’autres coins de la province pour s’acquérir de la situation. Cela pour qu’afin, voir ensemble avec les autorités ayant la sécurité dans leurs attributions et celles judiciaires, comment trouver la solution à ces cas de viol qui prennent de l’ampleur dans cette contrée.

« Nous ne pouvons pas croiser les bras face à cette persistance des cas de violences sexuelles, parce que c’est un crime contre l’humanité. La violence sexuelle compromet la paix et la sécurité dans notre pays. Nous devons tous documenter ces cas de violation des droits de l’homme et plus spécifiquement des droits de nos sœurs, nos mères et nos filles qui subissent également ces bavures dans les zones en conflits. Ces violences sexuelles et basées sur le genre comportent d’énormes coûts sociaux et économiques, elles sapent la contribution des femmes et des filles au développement, à la paix et à la sécurité. Elles présentent une sérieuse menace à la réalisation des objectifs de développement. Nous devons tous les combattre chacun à son niveau », a-t-elle conclu.

Moïse Aganze, JDH

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.