Joseph Kabila, la folie d’une fin de règne?

Photo arrivée du Président Kabila au Kasaï

Répression violentes des manifestations et de toute voix discordante, les méthodes du pouvoir Kabila ne ressemblent guerre à celles de l’homme de 2001.

Longtemps présenté comme conciliateur, le président Joseph Kabila a été perçu au début de son mandat comme le vent nouveau en vue de la démocratie longtemps réclamée par les congolais. Ceci après 32 ans de règne sans partage de Mubutu (1964-1996) suivie d’une période jugée autocratique par les détracteurs de Laurent Késiré Kabila (1997-2001).

Le jeune général major Joseph Kabila lui, en prêtant serment en 2001, n’avait que 29 ans. Mais son âge ne fera pas obstacle. De nature calme, conciliateur, il va réussir le pari de réunifier le pays déchiré par la guerre en 2003. Il va concéder une transition démocratique jusqu’en 2006 avec une administration monstre avec d’une part lui, le président et trois vice-présidents dont deux issus des rebellions Azarias Ruberwa (RCD), Jean Pierre Bemba (MLC) et un de l’opposition non armée, Arthur Zahidi Ngoma.

C’est Joseph Kabila qui sera aussi le propulseur de la nouvelle Constitution démocratique pour lequel il battra campagne et qu’il promulguera en 2006.

« Cette constitution était originale simplement parce qu’elle apportait la réponse aux nombreux problèmes du pays dont le plus grand celui de la légitimité du président. Elle répondait aussi au rêve de la démocratie et de l’alternance à la tête du pays», rappelle l’analyste Albert Muchezi, politologue.

La nouvelle Constitution promulguée prévoit entre autre la limitation du mandat présidentielle à deux quinquennats non renouvelable,  le verrouillage de l’article 220 qui interdit la révision sur plusieurs questions dont le mandat du président de la république, la reconnaissance des droits et libertés individuelles. Tout pour rassurer les congolais qui, jamais depuis l’indépendance de leur pays, n’avaient vu un président succéder à l’autre démocratiquement. Tout était enfin prêt pour un nouvel élan démocratique en République démocratique du Congo.

2011 et le nouveau Kabila

« C’était un ouf pour la majorité des congolais qui voyaient, avec l’élection de Kabila en 2006, l’arrivée d’un jeune président démocrate et l’espoir aussi d’une passation pacifique du pouvoir entre un ancien et un nouveau président à la fin de son mandat. Joseph Kabila rassurait. Il était jeune et avait peu d’expérience en politique. Il avait aussi juré  de  quitter le pouvoir à la fin de son mandat. C’était rassurant…», remarque Albert Muchezi.

Le premier mandat du président Joseph Kabila s’achève sans casse en 2011. Il est de nouveau candidat pour un deuxième mandat. C’est constitutionnel, ça ne pose pas problème. Mais vu la popularité en chute du Raîs, face à un Etienne Tshisekedi populaire à l’ouest et au centre du pays et un Vital Kamerhe qui le secoue à l’Est, il décide de changer les règles électorales inscrites dans la constitution.

« Il savait que si les règles étaient restés les même il perdrait. C’est là qu’il va changer cavalièrement la Constitution. Il va faire supprimer le deuxième tour des élections pour s’assurer une majorité simple de moins de 50%. Il était en perte de popularité dans le pays. Et comme il était candidat, tout était  fait pour que les élections s’organisent dans le temps conforme à la Constitution », note Albert Muchezi.

Il y a eu certes des cas de fraudes électorales dénoncées mais l’essentiel est que les congolais ont, pour la deuxième fois de leur récente histoire, voté pour leur président.

Joseph Kabila de nouveau réélu avec 46% de suffrage s’en sortira malgré tout avec une légitimité affectée. Mais aussi changera d’approche, sentant certainement la fin de son règne arriver. Constitutionnellement, Il ne lui restait que cinq ans à la tête du pays jusqu’en décembre 2016. Cela ne pouvait pas le laisser indifférent. « Il savait que ses jours étaient désormais comptés à la tête du pays », affirme Muchezi.

Et l’année 2016 ne tardera pas (mal-)heureusement à arriver. Joseph Kabila n’a que 46 ans. Il vient même à peine de se trouver une nouvelle coiffure rassurante. Bref, Trop jeune pour laisser le pouvoir selon son entourage.

La promesse du président Kabila de quitter son fauteuil à l’issue de son deuxième mandat constitutionnel devient alors difficile à tenir. « Il s’est habitué au pouvoir, il en veut encore davantage. Il a commencé à tout faire pour demeurer longtemps au pouvoir. Aujourd’hui, on a en vue un nouveau Kabila aux allures de dictateur »,  remarque le politologue Muchezi.

Pour sa survie politique, le président va alors s’entourer des certains anciens mobutistes. Ces stratèges qui étaient dans le cercle restreint de l’ancien dictateur pour l’aider à demeurer au pouvoir. Des personnalités prêtes à tout pour aider Kabila à rester au trône du Congo qu’importent les moyens. Alain Atundu, Tambwe Mwamba, André Kimbuta, Rezo Lenga, Philomène Omatuku et d’autres caciques comme Thambwe Mwamba, Lambert Mende, Claude Mashala sans être exhaustif.

Toute voix discordante sera aussi désormais sévèrement châtiée. Les partis du G7, alors membres de la majorité présidentielle, oseront demander à Kabila de quitter le pouvoir au terme de son mandat. Ils seront tous exclus, pourchassés ou dédoublés.

Côté pouvoir, des stratégies vont être peaufinées. D’abord la révision de la Constitution pour permettre à Kabila de se représenter qui échoue suite à une forte mobilisation de l’opposition en 2015. Le projet est remis au frigo en attendant le moment opportun.

Ensuite la carte de la prolongation arguant le manque des moyens financiers pour organiser les élections. Cette dernière malgré les marches, les déclarations de la société civile, de l’opposition, et les pressions de la communauté internationale a fini par faire passer le Raîs le cap redoutable du 19 décembre 2016 sensé rimer avec la fin de son règne.

Ainsi, un accord sera conclu entre l’opposition, la majorité et la société civile le 31 décembre sous l’égide de la CENCO et permettra de repousser les élections au 31 décembre au plus tard. Le pari est gagné pour les stratèges du pouvoir,  Kabila reste au pouvoir. Pour l’opposition et la société civile, le prolongement est seulement pour une année. Mais c’est sans compter sur l’homme. « Je n’ai rien promis du tout », va-t-il simplement résumer quelques mois après en 2017 à ceux qui pensaient qu’il quitterait le pouvoir en décembre comme espéré. Le démocrate d’hier semble avoir oublié ses leçons.

Après décembre 2016, l’incertitude

« Il est impossible d’organiser les élections en décembre 2018 », prévient le président de la Commission électorale, CENI, Corneille Nanga. Décembre 2018, c’est la date qui était prévue par l’accord du 31 décembre pour la passation du pouvoir entre Kabila et le nouveau président élu.  « Il me faut 504 jours pour ça (en 2020 NDLR) », insiste Nanga  même si l’opposition l’accuse  d’être complice du pouvoir et de jouer sa carte de la prolongation indéfinie du mandat de Kabila.

Sur la pression américaine et de la communauté internationale, il va finalement se rétracter. Un calendrier qui prévoit les élections présidentielles au 23 décembre 2018 est enfin publié. Une date dont le respect est aussi jugé incertaine pour nombreux observateurs.

Entre temps, la mobilisation s’accroit sur l’ensemble du pays. La société civile, l’opposition, les mouvements sociaux des jeunes, les confessions religieuses principalement l’influente église catholique multiplient des actions et des messages pour exiger le départ de Kabila. L’opposition, les mouvements sociaux et la société civile exigent même la démission de Kabila, qui continue à diriger le pays malgré l’expiration de son mandat l’année dernière, le 19 décembre 2017.

 « Que faut-il faire ?», pendant ce temps s’interrogent les caciques de la majorité présidentielle.

Premier réflexe, tirer sur tout ce qui bouge pourvu que le champion « Kabila » demeure longtemps au pouvoir, plus longtemps même au-delà des limites constitutionnelles.

Le tout pour le tout

Altérée entre désinformation et mauvaise foi, le pouvoir Kabila joue le tout pour le tout. Fini les droits et libertés constitutionnelles. Interdiction formelle de manifester pacifiquement, d’exprimer librement son opinion même si c’est constitutionnel. A travers une loi déposée au parlement, le pouvoir cherche même à dissoudre des associations et restreindre l’action des ONG en vue d’affaiblir la société civile et les actions pro-démocratie au pays.

Débauchage des opposants par-ci, dédoublement des partis politiques par-là, des procès politiques pour dissuader les opposants, des journalistes et défenseurs des droits humains menacés, emprisonnés ou chassés du pays pour avoir révélé et dénoncé des violations des droits humains, des enfants emprisonnés pour avoir demandé le départ de Kabila, des femmes dispersées brutalement pour avoir manifesté pacifiquement, la corruption qui bat son plein, les détournements qui deviennent le mode de gestion,..  Sans compter l’inflation et la misère qui s’ancrent davantage dans le pays. La situation ne fait que se dégrader sur tous les plans du jour le jour.

 « Si je compare ce que nous vivons aujourd’hui  avec Joseph Kabila en comparaison aux années 1990 de Mobutu, tout pense à croire c’est la folie d’une fin de règne », conclu le politologue Albert Muchezi.

Prince Murhula

 

 

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