Bukavu : Cacophonie, des billets de dollars ayant cours légal refusés selon les humeurs

Depuis plusieurs mois à Bukavu, des billets de dollars américains (USD) sont refusés à tord ou à raison.

Des vendeurs, des changeurs de monnaie et parfois les banques n’acceptent pas certains billets jugés sales, légèrement déchirés ou porteurs des marques d’écriture.

Dans un entretien avec un reporter de jambordc.info ce mardi 9 Août 2022, des habitants rencontrés apparentent cette situation à une cacophonie que les autorités doivent lever sans délai.

« Je suis Christelle Binja. J’habite au niveau de la place de la paix. Je suis ici à Nyawera pour payer les vivres. Je me heurte cependant au problème de refus d’un billet de 20 USD. Comme vous venez d’assister à la scène, la vendeuse m’avait déjà servie 1 Kilogramme (Kg) de sucre et 1 kg de lait. Quand je lui tend le billet pour paiement, elle me demande un autre après une stricte vérification du premier. Je lui dis je n’ai pas un autre, voilà comment sous vos yeux elle reprend ses marchandises. Est-ce que moi je fabrique l’argent pour que je subisse ce sort ? Que font les répondants ? Rien n’est ce pas? Mais plus que jamais ils doivent s’impliquer dans ce problème parce que ça ne va pas finalement. Ça c’est ni plus ni moins une cacophonie! » Martèle cette étudiante de l’Université Officielle de Bukavu (UOB).

Interrogeant la vendeuse dont il est question pour savoir le pourquoi de sa réaction, elle se confie à nous en ces termes.

« (En ouvrant son sac elle sort 5 billets de 10 USD et 1 autre de 20 USD). Voyez ces billets. Ils servent désormais d’embellissement dans mon sac on pourrait dire. Chaque fois que je vais faire mes approvisionnements on les refuse quoi que je fasse. Est-ce qu’ils sont abîmés autant que ça ? La réponse c’est non évidemment. J’ai déjà assez perdu comme ça, je suis désormais trop regardante. Si un billet n’est pas propre, un peu déchiré je le refuse sans pitié, n’en déplaise à son détenteur. » Explique avec insistance Furaha Matabishi vendeuse des vivres au sein du marché Nyawera.

De l’implication du gouvernement

Selon la cellule de communication du gouvernement provincial du Sud-Kivu, le gouverneur Théo Ngwabidje Kasi a réuni le 4 Août dernier les responsables de toutes les institutions bancaires et de microfinance pour discuter de ce problème et envisager des solutions. Cette autorité a insisté sur le fait que tous ces billets de dollars américains désuets, légèrement déchirés, porteurs des marques d’écriture ou malpropres ont cours de validité et il n’y a pas de raison de les refuser.
Peu avant, l’exécutif provincial avait pris également langue avec les cambistes et des échanges sont envisagés au troisième stade avec les opérations de la Fédération des Entreprises du Congo(FEC) pour une solution durable à ce problème.

Qu’est ce qu’en pensent les économistes?

Christian Mwemezi Ngangura économiste de l’Université Catholique de Bukavu (UCB) indexe dans cette problématique en premier lieu la passivité de la Banque Centrale du Congo(BCC) comme organe régulateur.

Ce chercheur indique que la BCC décide de la masse monétaire en circulation non seulement dans la sphère économique, sur les marchés des biens et services mais aussi dans la sphère bancaire parlant de l’argent à affecter dans les Institutions de Microfinance(IMF) et les banques. Elle peut pour cela procéder à la censure ou retrait de certains billets dont la série date de longtemps ou qui ont été surutilisés par exemple.

Aussi longtemps que cette censure n’a pas été faite, la BCC doit pour cela communiquer officiellement pour que les services étatiques concernés comme l’Agence Nationale de Renseignements(ANR) traque ceux qui refusent abusivement les billets en cours de validité et qu’ils répondent de leurs actes.

Ngangura ajoute que dans un premier temps les habitants détenant des billets concernés par ce refus peuvent se rendre à la BCC.

« Plusieurs ne le connaissent pas mais la BCC rend des billets neufs contre ceux qui ont vieilli aux habitants qui le désirent. C’est pourquoi, certains opérateurs achètent les billets déchirés, usés,dévorés pas les rats et donnent moins que leurs valeurs nominales à leurs détenteurs et les revendent ainsi mais à leurs valeurs normales auprès de la banque précitée » Explique -il.

L’écart entre ce qui devait être fait et ce qui est réellement fait étant significatif, la population demeure la principale victime de cette déviation en attendant des solutions palpables.

 

Joyce KALUMUNA

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