Des femmes et filles survivantes des violences sexuelles méritent une attention particulière de la part de la société et surtout de l’Etat. Malheureusement, la vulnérabilité de ces filles reste beaucoup plus grave dans la ville de Bukavu, province du Sud-Kivu à l’Est de la République démocratique du Congo. Des survivantes sont exposées à la discrimination et à la stigmatisation à cause des us et coutumes rétrogrades. Pour que ces jeunes filles soient informées, éduquées et instruites, la réinsertion scolaire serait d’une importance capitale pouvant les valoriser d’avantage dans leurs communautés. D’où l’implication active de l’Etat congolais pour y parvenir.
Une jeune fille de 14 ans trouvée dans l’une des communes de Bukavu fait savoir qu’elle ne sait ni lire, ni écrire correctement car elle a quitté l’école en deuxième année primaire juste après avoir été violée.
« Je suis orpheline de père et de mère ! (…) J’ai été violée par trois militaires dans le champ de manioc quand je désherbais le champ d’une mère voisine de chez nous. J’avais perdu la mémoire avant de me retrouver sur le lit de l’hôpital en étant enceinte. (…) Aujourd’hui, j’ai un enfant de trois mois et je n’étudie plus par manque de moyens financiers pour me scolariser, me nourrir, nourrir mon enfant et mes petits frères », témoigne cette fillette avec larme aux yeux dans sa langue locale.
Une situation vécue par d’autres filles survivantes des violences sexuelles parmi lesquelles, une dénommée Prisca (nom d’emprunt), qui a été privée d’aller à l’école faute d’être engrossée par certains jeunes de son quartier qui l’avaient violée à l’âge de 16 ans.
« J’étais en quatrième année des humanités quand j’avais arrêté d’aller à l’école. J’étais enceinte et on m’avait exclu définitivement de l’école. Maintenant j’ai une année et plus mais je n’ai jamais été acceptée aux écoles de mon choix », déplore Prisca avec une désolation au visage.
Julienne Baseke, coordinatrice de l’Association des Femmes des Médias, AFEM, indique que plusieurs jeunes filles survivantes des violences sexuelles sont abandonnées à leur triste sort sans aide ni assistance. Elle indique cependant que l’Etat a l’obligation de se saisir de la réinsertion scolaire de ces filles ainsi que leur réparation collective.
« Il est vraiment déplorable et irresponsable de la part de notre Etat d’abandonner ces jeunes filles survivantes des violences sexuelles. En tant que garant de la sécurité humaine l’Etat doit apporter des réponses aux problèmes que vivent les survivantes. Il doit construire des écoles dans les zones où des filles ont connu ces abus sexuels et construire des nouveaux sites d’activités en faveur des survivantes », conseille Julienne Baseke.
Pour maître Néné Bintu Iragi, avocate au barreau du Sud-Kivu, la loi de 2009 sur la protection de l’enfance, fait référence aux enfants en situations difficiles et oblige à l’Etat à travers le ministère des affaires sociales et à la Divisions provinciales, à réintégrer ces jeunes filles survivantes des violences sexuelles dans les milieux scolaires, car considérées comme des enfants en situation exceptionnelle.
« Il y a la protection civile, la protection judiciaire et la protection spéciale instaurée par la loi sur la protection de l’enfance. Quand vous lisez cette loi, cette réinsertion scolaire est prévue à l’article 63. Il stipule que : ‘’l’Etat rassure la réadaptation et la réinsertion de l’enfant en situation difficile ou exceptionnelle’’. Et moi, je peux considérer une survivante de viol si elle est encore mineure comme une enfant en situation difficile. (…) Encore la loi sur la parité à son article 10 alinéa 6 qui dispose que : ‘’l’Etat doit assurer aux filles mères ou enceintes la poursuite de leur scolarité’’ », explique l’avocate au barreau de Bukavu.
Interrogée à ce sujet, Pétronie Kangela, cheffe de Division des Affaires sociales au Sud-Kivu révèle que la réintégration des survivantes des violences sexuelles dans le système scolaire est une réalité dans la province. Elle ajoute que depuis que le phénomène des violences sexuelles est arrivé au pays, ils ont toujours pensé à comment récupérer et réintégrer les filles et femmes violées.
« Nous avons des centres de rattrapage scolaire, de remise à niveau et les centres d’apprentissage des métiers. L’un se trouve dans la commune de Kadutu et deux dans la commune de Bagira. Chaque fois quand il y a un certain nombre des filles survivantes des violences sexuelles, après avoir suivies des interventions chirurgicales et psychologiques, nous ouvrons nos portes pour la réinsertion scolaire sans aucune condition », révèle-t-elle.
Comme le défi à relever pour résoudre ce problème reste énorme, la Division Provinciale des affaires sociales au Sud-Kivu par l’intermédiaire de Madame Pétronie Kangela, demande aux autorités au niveau national de mettre à disposition des moyens financiers pour répondre à ces genres d’exigences.
Des observateurs avisés estiment à leur tour qu’il est grand temps que le gouvernement congolais se penche sur la question des filles survivantes de violences sexuelles afin d’apporter une réponse globale.
Elie Bigaba