Déjà satisfaites des avancées enregistrées actuellement quant à la participation féminine au sein du gouvernement de la République, entreprises publiques et autres,des femmes en République démocratique du Congo, veulent encore aller plus loin. Plusieurs observateurs pensent que pour y arriver, il faut qu’il y ait des bonnes stratégies mises sur pied par toutes les parties prenantes aux prochaines élections afin de relever les différents défis qui bloquent l’amélioration du taux de participation des femmes et filles aux élections de 2023 en RDC. Ceci au profit des femmes et filles potentielles candidates qui d’ailleurs manifestent déjà leurs ambitions politiques pour contribuer au développement du pays.
Lors des élections de 2018, seulement 11% des femmes ont été élues au parlement. Cependant, pour changer la donne aux élections de 2023 au profit des femmes et filles dans le respect de la nouvelle loi électorale, il s’avère impérieux de relever le plutôt possible les défis y afférents.
Les femmes politiques et potentielles candidates aux prochaines élections révèlent qu’à dépit de la nouvelle loi électorale qui veut qu’au moins 50% des femmes et filles soient alignées sur les listes des partis politiques, les défis à contourner pour arriver à leur élection massive sont encore énormes. Il s’agit en l’occurrence des défis liés au choix des partis politiques dignes de les accompagner et les soutenir pour améliorer leur taux de participation aux élections qui pointent à l’horizon, les défis d’ordre financier, l’adoption de la nouvelle éclosion de conscience et de volonté au niveau des femmes et filles elles-mêmes pour qu’elles retrouvent leur place dans la gestion de la chose publique à travers les élections, pour ne citer que ceux-là.
» Nous avons déjà manifesté nos ambitions politiques pour les prochains scrutins dans notre pays, nous sommes déterminées cette fois-ci à faire preuve de nos compétences et capacités pour que nous obtenions un nombre élevé des femmes élues à tous les niveaux”.
“Mais pour y arriver, nous sommes confrontés à de nombreux défis, notamment ceux de l’ordre interne au niveau de nos partis politiques qui alignent les candidats. Nous constatons souvent que la lutte dans les partis politiques est singulière et ne tient pas compte de la solidarité, puisque c’est toujours les hommes qui sont promus au détriment de nous femmes qui manifestons pourtant nos ambitions politiques. Nous ne recevons pas un soutien et accompagnement digne de nos partis politiques, le problème des moyens financiers pour mobiliser la base lors des activités ayant trait avec le processus électoral en est aussi un autre défi. Tout ceci a fait que nous femmes nous puissions avoir un score trop minime dans les échéances électorales passées. Mais nous pensons que cette fois ci notre score de participation aux élections va être amélioré, si toutes les parties prenantes aux élections tiennent compte du respect des prescrits de la nouvelle loi électorale », Confie Stella Yanda, femme politique membre de Horizon 2023 et potentielle candidate à la députation provinciale aux prochaines élections.
Et de poursuivre :
» Nous appelons nos partis politiques à aligner au moins 50% de femmes sur leurs listes électorales afin de nous aider à bénéficier aussi de la mesure d’exemption de la caution. Il est vrai que le paiement de la caution fait aussi partie des défis d’ordre financiers auxquels nous faisons face aux élections en tant que femmes. Beaucoup d’entre nous ( femmes) n’ont pas des moyens suffisants pour franchir toutes les étapes électorales jusqu’à se faire élire ».
De l’apport des organisations féminines dans l’amélioration du taux de participation des femmes aux élections de 2023.
Pour Solange Lwashiga, secrétaire exécutif du Caucus des femmes congolaises pour la paix, vu les défis auxquels sont confrontés les femmes et filles Sud-Kivutiennes et congolaises en générale, son organisation ne cesse de mettre en ces jours un accent particulier sur la participation politique des femmes. Elle organise des séances de réflexion et d’analyse du contexte lié à la participation massive des femmes aux échéances électorales.
» Nous avons déjà mis en palce un programme spécifique et qui est en œuvre dans les territoires de Kabare, Fizi, Uvira et Mwenga. Ce programme vise la promotion de la participation politique des femmes et filles ainsi que la mobilisation de la communauté sur les questions de l’égalité du genre afin qu’elle comprenne les enjeux liés aux élections dans notre pays. Nous pensons que nous allons aider à travers ce programme,les femmes et filles à contourner les défis qui freinent leur participation massive aux élections et surtout leur élection massive », laissé entendre Solange Lwashiga.
Elle pense que les partis politiques devraient promouvoir des intérêts collectifs au détriments des intérêts individuels en appuyant et en soutenant les ambitions politiques des femmes et des hommes de manière égalitaire.
» Nous avons constaté lors des élections passées, que les parties politiques soutiennent moins leurs candidates et c’est comme si on jouait au « sauve qui peut » et quand quelqu’un a été élu, le parti politique s’attribue ce siège et pourtant ce parti politique n’a fourni aucun effort pour accompagner la candidate à contourner les défis électoraux pour arriver à son élection », Martèle Solange Lwashiga.
Même son de cloche pour la directrice de l’organisation Uwezo Afrika Initiative, qui pense que malgré le fait que la nouvelle loi électorale soit progressiste en encourageant des listes zébrées, il reste encore beaucoup de défis liés à la participation des femmes et filles elles-mêmes dans leurs partis politiques.
Douce Namwezi, parce que c’est d’elle qu’il s’agit, indique que sa structure à déjà mis en place nombreuses initiatives visant l’accompagnement mêmes des partis politiques dans la prise en compte de l’équilibre genre en analysant leurs textes et en format leurs membres.
» (…) Le taux des femmes dans les partis politiques reste vraiment inférieur, il y a certainement moins de femmes et filles dans les partis politiques mais qui n’occupent pas aussi des postes de prise de décision. Le deuxième défi est lié au contexte électoral qui est parsemé de beaucoup d’irrégularités dûes au respect du calendrier électoral, ça veut dire qu’il aura peu de probabilités que l’échéance électorale puisse être respectée et tout ça risque de jouer négativement sur la participation massive des femmes et filles. Alors, nous à notre niveau, en tant qu’organisation qui accompagne les femmes et les jeunes filles et défend leurs droits, nous sommes en train de mobiliser d’autres organisations de la société civile, les partis politiques et d’autres parties prenantes au processus électoral afin que chacune des parties puisse jouer correctement son rôle au profit de la participation massive des femmes et filles aux élections prochaines », a-t-elle renchéri.
Au regard des difficultés rencontrées par des femmes, ajoute Douce Namwezi, figurent aussi en bonne place , l’absence des moyens financiers pour les campagnes, l’analphabétisme de l’électorat congolais, surtout féminin et la faible mobilisation des femmes sur les questions électorales.
De la nouvelle loi électorale
De son côté, maître Néné BINTU estime que le plus grand défi pour l’amélioration du taux de participation des femmes et filles aux élections de 2023 en dépit de la publication de la nouvelle loi électorale qui promeut l’égalité des chances et de sexe, c’est le fait que l’article 13 alinéa 2 de cette loi, n’a pas prévu l’irrecevabilité de la liste qui ne tient pas compte de 50% des femmes et filles alignées.
» Nous sommes sans ignorer que les défis à relever pour améliorer le score de la participation des femmes aux élections sont encore légions. Il est possible cependant de les relever et arriver à de bons résultats. Certes, les femmes se préparent déjà à affronter les prochaines échéances électorales en fonction de leurs moyens financiers. Mais les défis liés à l’obligation de l’application stricte des dispositions légales qui promeuvent les droits des femmes et l’égalité du genre restent aussi à relever. La loi électorale du 29 juin 2022, revêt un caractère général et impersonnel, puisqu’elle dégage les critères d’éligibilité et les conditions d’inélligibilte sans tenir compte du genre des candidats, c’est-à-dire que les hommes tout comme les femmes, celui qui rentre dans les critères prévus aux articles 5, 103, 120, 121, 131 et 217 de cette disposition légale devient éligible ou non éligible selon le cas, Il en est de même à l’article 13 alinéas 2 et 3 de cette loi électorale qui disposent que « chaque liste est établie en tenant compte de la représentation de la femme et de la personne avec handicap. La liste qui aligne 50% des femmes dans une circonscription est exemptée du paiement du conditionnement.
À ce niveau, la question reste à se demander si réellement cette disposition légale sera respectée par les partis politiques d’autant plus que le législateur n’a pas prévu des sanctions aux partis politiques qui ne tiendront pas compte de cette disposition et cela sans doute constitué dès le départ un défi majeur pour la participation massive des femmes aux élections, déclare maître Néné Bintu.
Que peuvent faire les partis politiques pour promouvoir la participation et la représentation politiques des femmes aux élections ?
Breuil Munganga, présidente ad intérim de ACCORD, nouveau parti politique qui regroupe en majorité les femmes et les jeunes filles, révèle que dans la plupart des pays, les partis politiques sont le moyen principal et le plus efficace qui permet aux femmes de s’engager en politique et d’être élues. Leurs pratiques, politiques et valeurs peuvent avoir un impact profond sur la participation et la représentation politiques des femmes. En effet, les partis politiques désignent des candidat-es aux élections locales et nationales, financent les campagnes électorales, rassemblent les électeurs, fixent les priorités en matière de politique et de gouvernance. Elle pense que ce n’est pas exactement le cas pour la RDC. D’où selon elle, la nécessité de contourner les défis qui freinent l’exécution des devoirs des partis politiques envers leurs membres et particulièrement les femmes et filles.
» (…) Pour que les efforts visant à promouvoir une participation politique des femmes réelle et égale soient efficaces, les partis politiques doivent intégrer des stratégies permettant aux partis politiques de s’assurer que leur constitution, structures, processus et financement tiennent compte de l’égalité des sexes et incluent toutes les femmes. Il est essentiel que les partis politiques encouragent la participation des femmes et intègrent les questions d’égalité des sexes dans leurs politiques et programmes afin d’assurer la diversité des points de vue et que personne ne soit laissé pour compte. Mais un grand travail nécessité d’être fait pour arriver à la participation massive des femmes et filles aux élections en RDC », a indiqué Breuil Munganga.
» Les partis politiques ne favorisent pas la participation politique des femmes publiquement ni dans leurs structures dirigeantes ni dans leurs financement ni dans leurs stratégies de campagne. En ce moment, nous travaillons pour informer, sensibiliser et mobiliser les femmes pour une forte participation politique comme candidates et électrices pour les prochaines élections de 2023″, a-t-elle conclu.
Que faire en plus de la loi électorale pour contourner les défis qui bloquent l’amélioration de la participation des femmes et filles aux élections ?
Solange Lwashiga souligne que comme la nouvelle loi électorale garantie l’égalité des chances aux hommes et aux femmes, les partis politiques devraient faire preuve du respect de la présente loi en mettant le focus sur son article 13 lors de l’alignement des candidat-es, en lieu et place d’appliquer la politique patriarcalisée qui joue en défaveur des femmes et filles.
Elle estime que les formations politiques avec d’autres parties prenantes aux élections devraient déjà multiplier les séances de renforcement des ambitions politiques des femmes et leur participation comme candidates aux élections. Ceci avant de faire savoir qu’il est grand temps que toutes les femmes congolaises s’enrôlent pour non seulement participer aux prochaines élections, mais aussi et surtout pour élire leurs congénères femmes à tous les niveaux.
Pour sa part, Me Néné Bintu pense qu’une éducation permanente s’impose pour changer les mentalités en faveur du leadership féminin en République démocratique du Congo. Au regard de tout cela, poursuit-elle, les femmes et filles doivent se soutenir entre elles pour mieux mener le combat et surtout de ne pas oublier que; » les élections se préparent pendant longtemps et ne se tiennent qu’en quelques heures ».
Cette dernière estime que les organisations féminines doivent continuer le plaidoyer pour les réformes de la loi électorale pour que soit déclarée irrecevables leurs listes électorales si elles n’atteignent pas le 50% des femmes et les filles.
Pour Douce Namwezi, étant donné qu’on est encore au début du processus électoral, il s’avère très important de prendre en compte tous les aspects spécifiques qui peuvent décourager ou encourager la participation massive des femmes et filles aux élections, faire en sorte que tous les congolais et congolaises soient enrôlés massivement pour permettre aux femmes et filles de gagner plus de sièges pour améliorer leur score en décembre 2023 contrairement aux anciennes échéances électorales.
En somme, lors du premier tour des élections présidentielles en 2006 en RDC,la participation de la femme était de 12,1% soit 4 femmes sur les 33 candidats. Au second tour, aucune femme n’a été présentée. Aux élections législatives nationales 1.320 femmes faisaient partie des 9.509 candidats,soit 13,6%, seulement 42 femmes soit 8,4% ont été élues comme députés sur les 500 représentants du peuple.
Lors des élections provinciales, sur 1,531 femmes qui se sont présentées sur les 13.474 candidats soit 11,4% de femmes, seules 43 sur les 632 députés provinciaux, ont eu raison de ce scrutin. Aux élections des gouverneurs, aucune candidate n’a remporté la course, pourtant 13 femmes avaient quand même postulé dont 2 au poste de gouverneurs et 11 en qualité de vice-gouverneur.
Moïse AGANZE, JDH