Sud-Kivu: Les acteurs sociaux, les organisations féminines et quelques députés se disent prêts à accompagner le vote de loi d’exemption pour la lutte contre les violences sexuelles et l’impunité en RDC

Victimes des violences sexuelles, au Sud-Kivu des survivantes peinent à saisir la justice faute de moyens financiers. Les services de justice étant payants, nombreuses victimes démunies sont découragées à porter plainte. Ce qui contribue à l’impunité des auteurs des violences sexuelles. D’oû l’importance d’une loi qui exempte les survivantes des violences sexuelles du paiement des frais de justice.

Au Sud-Kivu, plusieurs organisations féminines de la société civile et quelques parlementaires sont prêts à accompagner le processus de la proposition de loi portant exemption des frais de justice pour les survivantes et témoins des violences. Cette révélation relève des entretiens que nous avons effectués avec plusieurs personnalités le jeudi 25 Août 2022 dernier.

Ce qui vient renforcer la détermination des acteurs politiques et ceux de la société civile à accompagner l’initiative de la loi, c’est l’accroissement de cas des violences sexuelles qui ne cessent d’être documentés au Sud-Kivu. Une documentation de l’Association des Femmes des Médias AFM Sud-Kivu révèle que plus de deux cents cas de violences sexuelles dans la province ont été répertoriés entre 2020 et 2022 au Sud-Kivu.

Parmi ces cas, nombreux sont restés sans poursuite judiciaire faute de moyens financiers. Ces cas ne sont pas toujours dénoncés car le manque d’argent freine la grande majorité des survivantes qui avant d’amorcer la dénonciation, elles doivent se rassurer s’ils ont des frais de justice.

C’est le cas de Sanshobo (nom d’emprunt) âgée de 12 ans et vivant dans le quartier Ciriri dans la commune de Bagira. Elle a été abusée en avril cette année par un papa d’une cinquantaine d’années bien connu dans le quartier et identifié par les acteurs sociaux du milieu qui lui avait demandé de venir chez lui pour un service mais la mission était autre. Il l’a violée mais la fille est restée silencieuse car n’ayant pas trouvé de l’aide pour saisir la justice.

“J’étais à la maison, il m’avait appelé car on était voisins. En arrivant, il me parlait étant dans sa chambre et moi j’étais dans son salon. J’avais refusé d’entrer dans sa chambre. Il est venu me rencontrer où j’étais assise”, Explique-t-elle.

“Il m’avait fait des avances pour coucher avec lui mais moi je ne pouvais pas le faire. C’est alors qu’il a utilisé la force et il était fort que moi, il a fini par me violer puisque je n’avais pas quelqu’un pour m’aider. J’avais dit ça à maman et elle est partie chez le chef de quartier qui à son tour avait demandé de l’argent pour que ce dossier soit transféré au parquet. Nous avons manqué d’argent pour y aller et dénoncer ce bourreau car on savait qu’à la justice on ne pouvait pas suivre ce dossier sans moyens financiers”, Regrette-t-elle.

Amape (nom d’emprunt), après avoir été violée en février dernier par deux militaires qui habitent un camp militaire proche de chez elles à Cidaho, elle a été forcée de ne jamais en parler, faute de quoi elle sera tuée par balle.

“Après leur acte, ils m’avaient dit que si j’ose dire à quelqu’un, ils quitteront le camp après m’avoir arraché la vie”, Relève-t-elle.

“Je suis restée aussi calme mais maman savait, elle à son tour ne pouvait pas dire toute suite à Papa. C’est seulement quand elle a remarqué que j’étais déjà enceinte que Papa était informé. Craignant aussi de subir des menaces, il avait choisi le silence”, Regrette-t-elle avec les larmes aux yeux.

“Chez nous on n’a ni moyen pour traduire en justice ces militaires, ni moyens pour quitter à côté du camp afin d’éviter de vivre à proximité avec des militaires”, Explique Amape.

“Présentement je suis seulement choqué quand je croise en route un militaire. J’ai toujours eu tendance à fuir”, se confie-t-elle.

“Je n’avais pas eu un soutien pour dénoncer le cas qui reste impuni jusqu’à ce jour. Tous dans ma famille, on craint la réplique des bourreaux si une fois on fait une dénonciation”, nous dit-elle.

Soutenir la proposition de la loi d’exemption des frais de justice pour contourner le problème financier.

Pour l’association des femmes des médias au Sud Kivu, la persistance de cas des violences sexuelles est dûe au silence des survivantes qui du moins manquent des moyens pour payer les frais de justice.

Après avoir répertorié tous les cas de violences sexuelles et de l’impunité dans la province durant une certaine période, l’on a trouvé que le relativisme est au niveau de la dénonciation. Si on punissait un ou deux auteurs de violences sexuelles,ça servirait d’exemple à d’autres personnes. Malheureusement, jusqu’à présent, nous savons qu’il y a une proposition de loi d’exemption aux frais de justice pour les victimes mais n’a pas encore produit des effets.

Nelly Adidja, chargée des programmes au sein de AFEM Sud Kivu, encourage ce projet de loi qui vise à faciliter les survivantes des violences sexuelles à accéder à des instances judiciaires afin de dénoncer les bourreaux et de juguler tant soit peu ce fléau.

“Nous encourageons d’abord les journalistes des droits humains ayant lutté pour qu’il y ait ce projet de loi afin d’aider les victimes. Depuis plus de deux décennies, nous assistons à des situations qui laissent à désirer dans la communauté où les femmes et filles leurs organes ont été mutilés. Nous avons assisté aussi à la déshumanisation de la femme et quelques temps après, même les civils ont commencé à commettre ces actes et c’était devenu comme une épidémie”, fait savoir-t-elle.

“Plusieurs cas d’incestes ont été signalés et jusqu’à présent dans la communauté, les bébés sont violés par leurs propres pères. Je cite par exemple le cas le plus récent qui s’est produit à Bagira dans la ville de Bukavu où un Père a abusé de sa propre fille de moins d’une année. À celà s’ajoute des nièces violées par leurs oncles, les voisins voisines qui se violent et malgré toutes les intentions de certaines survivantes voulant rentrer dans leurs droits, elles n’ont jamais eu solution faute des moyens», a-t-elle démontré

Elle ajoute en disant que l’une des solutions à ce problème c’est d’inciter d’autres organisations féminines qui promeuvent le droit des femmes et jeunes filles, de se mobiliser pour pousser les députés nationaux à soutenir la proposition de loi déjà à l’Assemblée nationale qui est rien d’autre que salutaire pour les femmes qui sont les plus victimes de ces atrocités.

“La loi va aider à lutter contre l’impunité et les violences sexuelles et elle va permettre de punir sévèrement les auteurs des viols. Les survivantes n’auront plus de raison à ne pas dénoncer faute de moyen ni amorcer une question de justice pour obtenir gain de cause. En tant qu’organisation féminine, nous allons mener beaucoup de plaidoyers même médiatiques jusqu’à l’adoption de cette loi que nous jugeons salvatrice pour la communauté. Pour ça on a déjà un document unique qui va aider dans nos plaidoyers “, a-t-elle renchérit.

Pour Adrien Zawadi, président du bureau de coordination de la société civile du Sud Kivu, il est mieux que les structures citoyennes se mettent ensemble pour accompagner la proposition de la loi portant exemption des frais de justice aux survivantes et témoins des violences sexuelles portée par le député national Juvénal Munubo. Il en appelle à la conscience de tous les acteurs intervenants dans la défense des droits humains afin de faire des sensibilisations pour inciter les parlementaires à bien vouloir accorder cette chance aux personnes vulnérables. Cet appel est lancé à toutes les couches des organisations de la société civile en province pour aider les journalistes à étendre ces plaidoyers et le plus tôt possible, que la loi soit votée et promulguée.

Même son de cloche pour le député national Alfred Maisha qui pense que comme cette proposition est déjà à l’Assemblée nationale, il revient au député qui l’avait initié de faire pression pour que les députés s’y mettent pour son adoption et sa promulgation. Cette loi est pour les survivantes une solution et cela, une fois adoptée et promulguée.

«Il revient au collègue député initiateur dudit projet de loi de savoir son évolution. Nous comme députés, nous voudrions même voir cette loi être programmée pour débat dans la session parlementaire pour la voter parce qu’elle revêt un caractère salutaire pour les malmenées. Je suis prêt moi personnellement à accompagner mon collègue pour que cette loi soit votée et promulguée pour soulager les filles et femmes ayant été violées. J’encourage donc cette proposition pour sécuriser les survivantes mais en attendant, je demande aux concernées de consulter toujours les lois existantes parce qu’il suffit d’apporter une preuve qu’on est indigent et là on est exempté de payer les frais de justice », a fait savoir Alfred Maisha.

En guise de rappel, les organisations de la Société civile qui militent pour les droits des femmes et filles ont initié sous la facilitation de JHR/JHR-RDC une loi d’exemption des frais de justice aux survivantes et témoins des violences sexuelles. Cette loi a été endossée par le député national Juvénal Munubo élu de Walikale qui à son tour l’avait déposé à l’assemblée nationale pour examen. Ce qui fait croire aux défenseurs des droits humains que le vote et la promulgation de cette loi, luttera contre l’impunité et l’accès facile aux instances judiciaires des survivantes et témoins des violences sexuelles en RDC. Cette proposition de loi a été déposée à l’Assemblée nationale le 28 janvier 2022.

Pacifique Mulemangabo, JDH

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