Sud-Kivu: La faible volonté du décideur, un défi majeur dans la promotion des compétences féminines dans le gouvernement provincial

Au sein du gouvernement provincial du Sud-Kivu, des femmes sont faiblement représentées dans les postes décisionnels. Dans l’actuel gouvernement, seulement 4 femmes ont des postes dont, deux ministres, une secrétaire exécutive adjointe et une commissaire générale en charge du genre et affaires sociales sur 11 hommes. Cette situation freine la promotion des compétences féminines dans cette institution provinciale selon l’esprit de l’article 14 de la constitution, qui prône une participation égalitaire entre homme et femme dans la gestion de la chose publique.

Agnès Sadiki Nyabisoki, ancienne ministre provinciale au Sud-Kivu pense que cette faible représentativité des femmes découle de la faible volonté du décideur qui nomme et qui doit appliquer les textes légaux qui promeuvent les droits des femmes. Les partis politiques tiennent moins compte des compétences féminines lorsqu’il faut faire des propositions des listes pour des nominations.

“En 2013, jai été nommée ministre dans le gouvernement Cishambo. C’est parce que le gouverneur de province à l’époque exigeait à chaque parti politique de lui proposer trois noms dont deux hommes et une femme, et lui à son tour, opérait le choix. Et c’est comme ça qu’il a porté son dévolu à ma personne et à d’autres femmes qui lui étaient proposées”, relève-t-elle.

“Après le remaniement du premier gouvernement, je me suis encore retrouvée dans le secrétariat exécutif du gouvernement provincial où jai presté avec deux hommes. Nous femmes, étions promues aux postes décisionnels dans le gouvernement provincial, parce qu’il y avait la volonté du décideur et des responsables des partis politiques qui étaient d’ailleurs contraints de proposer les noms des femmes qui ont le profil afin d’être nommées dans cette institution provinciale”, explique-t-elle.

“Mais nous regrettons de constater qu’après le départ de Cishambo à la tête de la province, ses prédécesseurs n’ont pas pu continuer dans cet élan visant à promouvoir les compétences féminines”, Témoignage Agnès Sadiki.

Pour Gisèle Buhendwa, membre du Parti du Peuple pour la Reconstruction et la Démocratie (PPRD), indique que la faible représentativité des femmes dans le gouvernement provincial du Sud-Kivu est due au manque de volonté du décideur dans la mise en œuvre de la parité homme-femme lors des nominations des animateurs des différents ministères en province.

«Nous continuons de dénoncer la violation des textes et instruments juridiques nationaux et internationaux qui promeuvent les droits des femmes. Ces textes souffrent du non application, tout simplement parce que les décideurs ne s’impliquent pas activement pour les faire respecter. Dans notre province du Sud-Kivu, le pourcentage des femmes reste loin de celui de 50 % qui est dit dans la constitution de la République, parce qu’à chaque fois qu’il y a des nouvelles nominations dans l’exécutif provincial, c’est toujours les hommes qui sont plus promus au détriment des femmes qui pourtant incarnent des compétences qui peuvent apporter une pierre à l’édifice pour le développement de notre province », a laissé entendre Gisèle Buhendwa.

Venantie Bisimwa, plusieurs fois candidates aux élections législatives depuis 2006, pense que les défis liés à la faible représentativité de la femme dans le gouvernement provincial du Sud-Kivu sont d’ordre interne aux femmes. Pour elle, les femmes elles-mêmes ne montent pas au créneau pour dénoncer la violation de leurs droits et d’ordre externe, lié à la gouvernance de la province.

«Au Sud-Kivu, nous reculons au lieu d’avancer, car nous avons vécu un gouverneur qui avait fait participer à 40 % les femmes dans la gestion de la province, mais fort malheureusement on a régressé au lieu de progresser suite au problème de la faible expression de la volonté politique”, explique-t-elle.

“La forte représentativité des femmes est déjà réglée dans la constitution, parce que c’est un droit humain. Dommage est que dans la pratique, nous observons des pesanteurs lourdes dans le chef des dirigeants à faire respecter le principe constitutionnel en ce qui concerne la parité”, regrette-t-elle.

“Les décideurs devraient nommer des femmes compétentes membres des partis politiques et de la société civile parce qu’elles sont nombreuses avec des compétences. Ce qui contribuera à contourner cette faible représentativité des femmes dans le gouvernement”, renchérit Venantie Bisimwa.

Pour Solange Lwashiga Furaha, Secrétaire exécutive du Caucus des femmes congolaises pour la paix, la loi sur la parité homme-femme devrait amener les décideurs politiques à capitaliser les compétences tant féminines que masculines d’une manière égalitaire dans la gouvernance de la chose publique à travers les postes de responsabilités des nominations.

«La faible représentativité des femmes dans le gouvernement provincial est l’une des questions préoccupantes au sein des organisations des défenses et de protection des droits des femmes et particulièrement au sein du Caucus des femmes congolaises pour la paix”, révèle-t-elle.

“Depuis 2006, notre organisation œuvre dans les domaines d’accompagnement politique des femmes, de renforcement des capacités en matière de leadership politique, des plaidoyers et des lobbyings”, rappelle-t-elle.

“Nous sommes convaincues qu’il existe des femmes compétences et qui peuvent mieux gérer la chose publique, mais elles ne sont pas promues aux postes décisionnels à cause des coutumes rétrogrades et le patriarcat ainsi que la faible volonté du formateur du gouvernement”, renchérit-elle.

“Ces facteurs qui du reste, bloquent l’émergence de la femme et c’est ce que nous condamnons. Nous ensemble avec d’autres mouvements féminins, nous allons continuer à renforcer la connexion entre les femmes politiques et celles qui ont émergés dans ce domaine et la connexion entre les femmes politiques et celles de la société civile, car nous pensons que cette collaboration est le fondement de la promotion du leadership politique des femmes”, déclare-t-elle.

“Nous continuons à sensibiliser les ambitieuses pour les amener à s’inscrire dans la logique de la promotion de leurs ambitions et compétences”, renseigne Solange Lwashiga.

Interrogé à ce sujet, Maître Zozo Sakali, avocat au barreau de Bukavu, estime que la promotion des compétences féminines est une question de droit humain garantie par la constitution congolaise. Il évoque l’article 14 de cette loi fondamentale de la RDC qui dispose que «la femme a droit à une représentation équitable au sein des institutions nationales, provinciales et locales. L’Etat garantit la mise en œuvre de la parité homme-femme dans les institutions ».

«A part la constitution, il y a d’autres textes légaux qui reconnaissent à la femme la participation politique et sa représentativité équitable à celle de l’homme. La loi du 01 Août 2015 portant modalités d’application des droits de la femme et de la parité est très claire à ce sujet. A son article 10, elle dispose que l’homme et la femme ont droit à l’égalité des chances et c’est le gouvernement qui doit tout faire en mettant en place une politique pour promouvoir l’égalité de chance en mettant un accent particulier sur les compétences féminines et cela dans le respect de la loi », a dit Me Zozo Sakali.

Et d’ajouter:

« Il se pose un problème très sérieux au niveau de notre province du Sud-Kivu et même au niveau de notre pays la RDC en général au sujet de la promotion des compétences féminines. Vraiment il est hors de question qu’en ces jours où nous sommes au 21 ième siècle qu’on continue à parler de l’inégalité homme-femme surtout lorsqu’il s’agit de l’accès aux postes de responsabilité. Le Sud-Kivu a déjà connu plusieurs gouverneurs et tous ont fait presque la même chose en rapport avec l’égalité des chances lors des nominations des membres de leurs gouvernements. Nous pensons qu’il est grand temps que le pouvoir public puisse veiller à l’élimination de toute forme de discrimination à l’égard de la femme en promouvant ses compétences en lieu et place d’entretenir lui-même cette discrimination ».

Me Zozo Sakali pense que l’actuelle autorité provinciale et ses successeurs doivent désormais tenir compte des compétences féminines dans la formation de leur équipe gouvernementale, en mettant en œuvre les différents textes juridiques qui promeuvent les droits des femmes, à l’occurrence la Résolution 1325 du 31 Août 2000, la déclaration universelle des droits de l’homme, la convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDEF de 1979), le pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1996, la Résolution des Nations-unies du 10 février 2004 sur la participation des femmes à la vie politique, la loi du 01 Août 2015 portant modalités d’application des droits des femmes, la constitution à son article 14, ainsi que d’autres lois organiques.

En Réaction, le député provincial du Sud-Kivu Augustin Bulimuntu Kikuni, invite à son tour les responsables des partis politiques d’incarner en eux, la volonté de toujours désigner, de proposer les noms des femmes aux autorités provinciales afin que ces dernières à leur tour puissent les nommer aux postes des prises des décisions.

«Il faut nécessairement que les femmes soient aussi bien représentées comme les hommes dans le gouvernement provincial, parce qu’elles ont aussi des capacités et compétences pouvant leur permettre de mieux servir la nation. Actuellement, la représentativité de la femme est vraiment minime, mais nous allons à notre niveau multiplier les efforts pour corriger cette erreur. Personnellement, je me suis déjà engagé dans la sensibilisation des femmes pour leur présence significative au sein du gouvernement provincial », confie le député Augustin Bulimuntu.

Tout en encourageant les femmes dans la lutte contre la violation de leurs droits, cet élu du peuple promet de proposer dans les prochains jours, des édits provinciaux qui promeuvent les droits des femmes dans la gestion de la chose publique.

Agnes Sadiki elle de son côté, appelle par ailleurs les femmes à intégrer en masse la politique mais aussi et surtout à la solidarité féminine pour se faire représenter massivement dans le gouvernement provincial.

Solange Lwashiga quant à elle, plaide pour le respect de la parité dans tous les processus de nominations des membres du gouvernement provincial.

« Vu le nombre insuffisant des femmes dans l’actuel gouvernement provincial, nous demandons même au gouverneur de remanier son gouvernement, parce qu’il est censé veiller au respect de la constitution qui consacre la parité homme-femme. Nous demandons aussi aux députés provinciaux de ne pas continuer à investir des gouvernements qui violent la loi fondamentale du pays à son article 14. Et nous pensons que cela peut faire grandir la volonté de l’autorité provinciale de promouvoir les compétences féminines dans la gestion de la province », recommande Lwashiga.

Moïse Aganze, JDH

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