A Bukavu, les femmes ne se retrouvent pas dans la gestion des entités territoriales décentralisées. De la ville de Bukavu aux trois communes que compte la ville, aucune des ces entités n’est gérée par une femme. Bien que selon les articles 12 et 56 de la loi organique du 07 octobre 2008 portant composition, organisation et fonctionnement des ETD et leurs rapports avec l’Etat et les provinces, le mode d’accéder à la gestion des ces entités est celle électorale, à défaut des élections locales on désigne ces animateurs. Ce qui inquiète est que les femmes n’arrivent à être nommées comme les hommes pour diriger ces entités.
Nous référant aux archives de la commune d’ibanda créée le 03 septembre 1958, elle a déjà enregistré 19 bourgmestres parmi eux seulement 4 femmes dont ; madame Marie KABALA de 1962 à 1972, M’COMONGE Fanalelo de 1972 à 1975, Faida MAROY de 2003 à 2005, Espérance Hendwa de 2007 à 2011 soit 29% de représentativité. Cette situation freine la promotion du leadership féminin au niveau de la base.
Cette situation soulève certaines réactions des femmes.
Une dame rencontrée à Bagira, exprime sa déception du fait de vouloir qu’on ne tient pas compte de la promotion des compétences surtout des femmes qui travaillent dans ces entités lorsqu’il y a vacance des postes.
« Imaginez-vous, combien c’est décevant, quelqu’un a plus de cinq ans dans la commune sans promotion. Mais lorsqu’ il s’agit d’un poste vacant de prise décision, ce sont les partis politiques qui délèguent », explique-t-elle.
« C’est dommage de constater aussi que même lorsque les partis politiques proposent des listes pour des nominations, ils ne tiennent pas compte de l’égalité de chance entre les hommes et les femmes », regrette-t-elle.
« Si je me fais comprendre, certaines causes proviennent de la politisation des ces postes décisionnels surtout dans les entités territoriales décentralisées dans notre ville. Le silence que manifestent les femmes politiques face à cette masculinisation de certains postes dans les entités constitue une autre cause aussi », poursuit-elle.
« Je suggère qu’il ait la dépolitisation totale des postes de prise de décision ; c’est-à-dire qu’on peut aussi nommer les femmes de la société civile ou d’une organisation citoyenne indépendante parce qu’elles ont aussi les atouts et le souci de travailler pour le développement de l’entité. Il serait souhaitable de promouvoir les femmes en exercice dans ces entités à la place des hommes venus d’ailleurs qui n’ont pas souvent la maîtrise du fonctionnement ni la gestion des entités en question », pense-t-elle.
Abordant dans le même sens une autre femme de la commune de Bagira, pense que, la femme peut aussi bien gérer une entité territoriale au même titre qu’un homme.
« L’absence de promotion des femmes qui ont fourni des efforts pour être en fonction est une cause non négligeable. Au-delà des postes de secrétariat et de réceptionniste, la femme a les capacités nécessaires pour être cheffe de division, de bureau, bourgmestre et même maire de la ville », explique-t-elle.
« Moi, je propose qu’on commence par promouvoir d’abord celles qui sont déjà en exercice car elles ont au-moins fourni des efforts pour être dans la boîte administrative de l’entité », martèle-t-elle.
Madame Claudine MMULEGWA, secrétaire exécutive de l’association des Mamans de lutte contre la Délinquance Féminine et Encadrement des enfants, déplore le fait que les postes des gestionnaires des ETD sont actuellement politisés. Si on organise les élections à la place des nominations, les femmes vont aussi competir au même titre que les hommes par voie électorale.
« La cause majeure est qu’on n’organise pas les élections locales et municipales pour permettre aux femmes de se présenter compétitivement comme candidates », regrette-t-elle.
« Je crois que les nominations là constituent un chemin facile pour écarter les femmes ; il n’y a pas longtemps le gouverneur de province a changé les bourgmestres dans toutes les communes sans songer aux femmes. Ce qui est déplorable est que, celui qui est censé faire respecter l’équité homme-femme n’en tient pas malheureusement compte. Je propose qu’il y ait respect strict de la constitution et le respect en soi consiste à organiser les élections à tous les niveaux afin de permettre aux femmes de se présenter massivement à ces élections », insiste-t-elle.
Pour Justine CIMBEMBE, Juriste de formation, la sous représentation des femmes dans la gestion des ETD est une problématique qui est d’actualité dans notre pays.
« La constitution prévoit à son article 14 que le pouvoir public doit veiller à l’élimination de toute forme de discrimination à l’égard de la femme et assurer la protection et la promotion de ces droits », explique-t-il.
« Ceci implique donc la prise des mesures pour l’épanouissement de la femme dans tous les domaines (civil, politique, économique, social et culturel), martèle-t-il.
« C’est même article dispose que la femme a le droit à une représentation équitable au sein des institutions nationales, provinciales et locales. Et ça ce n’est pas moi qui le dis mais plutôt la constitution qui est la loi suprême dans notre pays », poursuit-il.
« Même avec la loi électorale N°15/013 du 1er Aout 2015 portant modalités d’application des droits de la femme, à son chapitre 2 consacre les modalités de représentation de la femme dans le domaine politique et administratif. De l’article 14 à l’article 27, la loi donne également des schémas, modèles et stratégies qui peuvent permettre la participation équitable de la femme à la vie politique, sociale, économique et culturelle ; tout cela pour son épanouissement », affirme-t-il.
« Vous pouvez aussi retenir qu’à l’article 33, il est prévue des sanctions au cas où certaines de ces dispositions ne sont pas respectées. Comprenez donc que les femmes ne réclament pas la représentation pour rien, elles sont des ayant droit », insiste-t-il.
«Que l’Etat mette les mécanismes de suivi de la mise en application de tous les textes sur les droits de la femme pour ne pas être la principale cause», recommande-t-il.
Jaffrey BIRINGANINE, secrétaire administratif à la division du genre famille et enfant, affirme que son service intervient dans la prévention En faisant des alertes concernant la problématique de la représentation de la femme dans la gestion.
« La division du genre agit avant tout dans la prévention de ces problèmes à travers la divulgation des textes qui promeuvent les droits de la femme pour leur épanouissement. Notre pays, la République Démocratique du Congo, a une très bonne politique d’intégration de la femme et sa totale participation au développement du pays. C’est pourquoi nous faisons également des alertes dans la partie réponse pour pousser les décideurs à nommer les femmes aux différents postes décisionnels. C’est une lutte de tous et nous devons nous en approprier pour la promotion, du leadership féminin », explique-t-il.
Cet article a été produit en collaboration avec Journalistes pour les droits humains, JDH/JHR avec l’appui d’Affaires mondiales Canada
Blanche Kabego