RDC: Les partis politiques saluent l’intégration du genre dans la nouvelle loi électorale bien qu’elle reste une mesure sans contrainte

En RDC la loi électorale récemment promulguée par le Chef de l’Etat a comme particularité, le non paiement de la caution électorale pour une liste qui intègre au moins 50% de femmes. Cette particularité loin d’être une obligation, reste à l’appréciation des partis et regroupements politiques pour matérialiser l’équilibre genre comme le veut la constitution.

Promulguée le 29 juin 2022, cette loi suscite des débats dans l’opinion congolaise. D’une part, des partis politiques qui sont pour la parité homme et femme et se réjouissent de cette volonté manifeste de permettre aux femmes de se retrouver massivement sur des listes électorales aux prochaines élections.

ETJ, Ecole Technique des Journalistes pour la formation des journalistes

C’est le cas de Patient Katembera, porte-parole de l’Alliance des forces démocratiques pour le Congo AFDC, qui précise qu’au sein de son parti, le respect du genre est de rigueur. Cette loi, vient renforcer le respect du genre lors des échéances électorales car à ce niveau, les femmes sont encore moins représentées.

«Nous avons salué la nouvelle loi électorale car le pays commence à élargir le respect du genre dans d’autres domaines. C’est une façon de dire aux femmes de s’intéresser à la politique. Déjà chez nous, l’application de cette loi ne posera pas trop d’acrobaties car pour l’instant, notre parti l’AFDC est dirigé par Mme Jacqueline Ruth Kazange, au niveau national. Mais aussi sur les 4 ministères que nous avions gagnés dans le gouvernement, deux ont des femmes à la tête à savoir le ministère du travail et prévoyance sociale ainsi que celui du portefeuille. Cela prouve que nous respectons les capacités des femmes. Car plusieurs d’entre elles ont des capacités qui vont au-delà des capacités de certains hommes», explique-t-il.

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D’un autre côté, une certaine opinion pense que l’article 13 de la loi électorale promulguée qui parle de l’exemption de la caution électorale pour des listes qui respectent l’équilibre genre, semble ne pas résoudre le problème de la représentativité des femmes dans les instances politiques par des élections.

«Oui, intégrer l’aspect genre dans la nouvelle loi, c’est à louer mais ce n’est pas suffisant car les autorités morales des partis politiques peuvent décider de payer les cautions sans intégrer les femmes sur leurs listes. Et la femme en sera encore victime. Mais, je pense que la CENI devrait  supprimer la caution et ainsi ne pas recevoir toutes les listes sans 50% des femmes. A ce niveau là, nous pourrions espérer à une bonne représentativité des femmes aux prochaines échéances électorales», nous a confié, Rosine Kanyonyo, Présidente Fédérale de l’Union des Congolais pour le Progrès, UCP.

Pour Juvénal Munubo, député national élu de Walikale, l’assemblée nationale qui a voté cette nouvelle loi voudrait faire respecter la constitution qui garantit la parité homme-femme en son article 14.

« Notre pays a plusieurs dispositions sur le genre et la parité. Nous avons beaucoup de textes sur cette question. Mais, nous avons constaté que les dernières élections, nous ont prouvé que le respect du genre pose encore problème. C’est pourquoi, nous avions estimé que si cette nouvelle loi électorale mettait un accent particulier sur cet aspect et ainsi permettre aux femmes de se présenter comme candidates, les institutions du Pays, auront une représentation égalitaire. Nous sommes rassuré vivement que l’apport de la femme dans la reconstruction de ce pays est non négligeable », nous a confié Juvénal Munubo, député national élu de Walikale.

Bien que sur des listes électorales il faut des moyens pour battre campagne.

Pour Patient Katembera, les élections et les campagnes électorales étant des activités budgétivores, les femmes qui sont majoritairement faibles économiquement risquent de s’écarter d’elle-même. Mais, ce parti aux couleurs rouge et blanc, a tenté de développer une stratégie palliative à cette question.

«Le faible pouvoir économique de la femme mais aussi certains stéréotypes dans les foyers et dans la communauté, continuent à freiner l’émergence de la femme. Il est difficile que la femme batte campagne sans aucun rond dans son sac. Cela va faire à ce que plusieurs femmes puissent s’exclure malgré le souci de contribuer à la gestion du pays. Mais au niveau de l’AFDC, nous avions mis en place une association villageoise d’épargne et de crédit, AVEC AFDC, afin de soutenir l’économie des femmes. Nous espérons que ceci pourra les permettre de subvenir aux besoins de leurs familles mais aussi affronter les élections », a renchérit Patient Katembera.

Tout en saluant la promulgation de la loi électorale , Me Néné Bintu, présidente du groupe thématique élection et bonne gouvernance au sein du bureau de coordination de la société civile, estime qu’il fallait avoir dans la loi des sanctions qui protègent la femme pour leur élection massive.

« Au sein de notre groupe thématique, on pensait d’ailleurs proposer au législateur d’ériger comme infraction le monnayage des voix que l’on constate lors des élections. Plusieurs candidats profitent de la faiblesse économique des femmes pour apporter des soi-disant dons aux électeurs et électrices pendant la campagne électorale pour devancer des femmes sur terrain. Cela reste aussi un problème pour l’election de la femme bien qu’elle peut figurer sur la liste electorale. A notre niveau, nous allons continuer avec des sensibilisations pour la vulgarisation de loi électorale afin que la population soit au courant de cela », révèle-t-elle.

Oswald Rubasha, un expert en matière électorale, reconnaît que cette nouvelle loi électorale est une innovation avec l’introduction de la disposition d’exonérer du paiement de la caution électorale les partis ou regroupements politiques qui présentent une liste de 50% des femmes. Pour lui, ceci est un signal positif vers une législation sensible au genre.

Par contre, il reste perplexe quant à la matérialisation de cette loi au sein des partis politiques avec des autorités morales.

«Pour moi, le défi réside dans la capacité des partis politiques à promouvoir la démocratie interne. C’est la voie royale pour moi d’encourager les femmes à intégrer les partis politiques. La domination actuelle des partis politiques par les autorités morales est un obstacle majeur car cela personnalise le fonctionnement et les décisions au sein des partis politiques. Et cela joue en la défaveur de la femme. Les partis politiques doivent se démocratiser à l’interne pour rassurer les potentiels adhérents», propose-t-il.

Pour Mme Petronie Kangela, Cheffe de Division des affaires sociales, elle se réjouit des avancées de cette loi et espère que les femmes saisiront cette opportunité pour se démarquer lors des élections.

“Nous saluons la promulgation de la loi électorale sensible au genre. A notre niveau, nous allons faire plusieurs sensibilisations afin que les femmes s’approprient cette loi car, c’est une occasion à ne pas rater. C’est aussi à la CENI de suivre de près toutes les listes afin de voir si le genre est respecté”.

Mme Kinja Mwendanga,Députée provinciale et Commissaire en charge du genre au Sud-Kivu, indique que le respect du genre fait l’objet de plusieurs plaidoyers faits par les organisations de la société civile ainsi que les députés. Elle se réjouit des innovations signalées dans cette nouvelle loi et espère que les mécanismes de suivi seront mis en place afin que cette loi soit mise en application. Kinja Mwendanga, en a profité pour appeler les femmes à adhérer dans les partis politiques, à postuler mais aussi, à voter pour les candidates femmes.

Me Néné Bintu pour sa part, préconise à la Commission Électorale Nationale Indépendante, CENI, de pouvoir publier déjà le calendrier électoral afin que chacun (candidat-e et électeur) sache sur quel pied danser.

Esther Kanga, JDH.

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