Le Prix Nobel de la Paix, le docteur Denis Mukwege appelle le gouvernement congolais et tous les acteurs impliqués dans la recherche de la paix après 30 ans de guerre à retenir les leçons des erreurs du passé et à ne pas sacrifier la justice dans les négociations en cours. Il s’exprime ainsi trois ans après l’occupation de la cité de Bunagana en territoire de Rutshuru (Nord-Kivu) par les rebelles du M23, soutenus selon lui par le régime de Kigali.
Dans un message publié sur ces différentes plateformes numériques, le Prix Nobel de la Paix 2018, rappelle que cela fait 3 ans jour pour jour que la cité commerciale stratégique de Bunagana est contrôlée par la rébellion, «acculant la population congolaise soit à se déplacer en masse soit à survivre dans la peur sous le joug des forces d’agression et d’occupation ».
Outre, poursuit-il, cela fait trois ans que «la souveraineté nationale et l’intégrité territoriale de la RDC sont violées par le Rwanda, qui méprise avec arrogance les principes de base de la Charte des Nations-Unies pour imposer ses ambitions expansionnistes et piller à grande échelle les minerais stratégiques congolais, dans l’indifférence complice de la communauté internationale».
Il rappelle une fois encore que cela fait trois ans que «les forces d’occupation ont conquis progressivement de larges pans de l’Est du Congo, en installant des administrations illégales parallèles, démontrant leur volonté d’annexer les provinces du Nord et du Sud-Kivu»
Dr Mukwege critique également le Président de la République et le gouvernement congolais qui également depuis trois ans ont affirmé prendre leurs responsabilités pour réformer le secteur de la sécurité.
« Cela fait 3 ans que le Président de la RDC et le gouvernement congolais affirment prendre leurs responsabilités alors que les autorités de la République n’ont jamais déployé la volonté politique nécessaire pour réformer le secteur de la sécurité, assainir la fonction publique et adopter une stratégie holistique de justice transitionnelle, et sont donc en grande partie responsables de la dégradation sécuritaire et de son impact désastreux tant sur la situation humanitaire que celle des droits humains,» écrit le Prix Nobel de la Paix 2018.
Et de poursuivre : «cela fait 3 ans que la population martyre du Kivu paye le prix fort de la diplomatie régionale erratique et de la gouvernance sécuritaire dangereuse du régime de Kinshasa, caractérisée par l’absence de planification, le défaut de division stratégique, et le recours à l’extermination par des partenariats militaires bilatéraux et régionaux fluctuant, ainsi qu’avec des groupes armés non étatiques mal formés, contribuant à une sur militarisation dangereuse de la région et à un risque d’embrasement régional».
Le gynécologue congolais critique également la communauté des États et les institutions qui selon lui, ont laissé pourrir par des paroles creuses, des condamnations superficielles et des mesures timides cette crise devenue multidimensionnelle et menaçant la sécurité et la paix internationale.
« Cela fait 3 ans que les tentatives diplomatiques visant à la désescalade et à faire taire les armes ont toutes échouées à obtenir un cessez-le-feu et le retrait des forces illégales d’occupation, malgré l’adoption tardive mais importante le 21 février 2025 de la résolution 2773 du Conseil de sécurité des Nations-Unies, qui doit servir de cadre aux efforts de sortie de crise et au retour de la paix,».
Pour y mettre un terme, le docteur Denis Mukwege estime que seule la justice et des réparations pourront briser le cycle de violence et de l’impunité et prévenir la répétition des conflits en RDC et dans la région des Grands lacs africains
Néanmoins, en cette journée, il exprime sa solidarité aux citoyens congolais qui vivent dans les zones occupées.
Gabriel ACIRUSHOKOLIRE