En République démocratique du Congo des femmes survivantes des violences sexuelles n’accèdent pas souvent à la justice. Cela par manque d’appui et d’un accompagnement adéquat de leurs communautés. A Kaniola, un groupement du territoire de Walungu au Sud-Kivu, des survivantes se solidarisent pour accéder à la justice.
Dans cette partie de la Province du Sud-Kivu, des femmes ont été violées et certaines ont eu du mal à dénoncer leurs bourreaux.
Certaines victimes rencontrées font savoir qu’elles ont eu du mal à accéder à la justice par manque d’appui et d’accompagnement de leurs communautés. Ces dernières disent avoir adhéré dans l’association « Bazire Rhucilweko » qui accompagne les survivants des violences sexuelles à accéder à la justice.
C’est le cas de madame Aciza de la localité de Cindubi violée en 2014 par des porteurs d’armes.
« J’ai été violée par des personnes en arme en allant à la recherche de la marchandise pour
vendre », explique-t-elle.
Je suis arrivée à une barrière où il y avait des personnes en armes qui m’ont demandé de l’argent que j’ai donné et ils m’ont laissé partir. Plus loin, j’ai croisé d’autres personnes en arme
qui m’ont obligé à coucher avec eux. J’ai refusé et ils m’ont dit si je suis prête à mourir. Ils m’ont prise de force et j’ai été violée, explique Aciza avec l’arme aux yeux.
Je suis tombé enceinte quelque temps après à l’absence de mon mari qui était ailleurs où il travaillait. Il a reçu l’information, il a décidé de rompre avec moi et je vis seule avec mon enfant
et deux autres que j’ai eu avec mon mari. L’enfant a aujourd’hui 8 ans. J’ai manqué comment dénoncer mes bourreaux car porteurs d’armes. J’ai été déçue de vivre. Il y a deux ans, les
membres de l’organisation Bazire Rhucilweko étaient venus pour me sensibiliser pour que j’adhère. J’ai été invité à participer à leur séance de formation. J’ai reçu des conseils et aujourd’hui je commence à retrouver petit à petit espoir », révèle Aciza.
Aciza n’est pas seule à avoir vécu cette situation. Joséphine aujourd’hui âgée de 25 ans affirme aussi avoir été violée par des personnes en armes.
« Les bandits étaient venus chez nous. Ils ont tué mon mari devant moi et notre bébé. Ils m’ont exigé l’argent que je n’avais pas sur moi. Pour me blesser encore davantage, ils ont cassé la
jambe de mon bébé puis l’ont jeté dans la brousse. J’ai eu peur. Ils m’ont amené avec eux loin de chez moi où ils m’ont violée à tour de rôle », relate Joséphine avec angoisse.
Ils m’ont libéré après le viol. De mon retour à la maison, j’ai été conseillé d’aller faire des consultations médicales. Je n’avais pas de moyen. On m’a orienté vers le Projet de prévention et réponse aux violences basées sur le genre PRVBG qui m’a pris en charge et de là j’ai pris connaissance de l’existence de l’association « Bazire Rhucilweko » où je fréquente les autres.
L’association« Bazire Rhucilweko » créée depuis 2016, au-delà de l’encadrement des survivantes
des violences sexuelles dans les métiers, intervient aussi dans l’accompagnement judiciaire. Une
des responsables qui a requis l’anonymat, indique que son organisation a été créée pour apporter
un appui aux survivantes des violences sexuelles pour briser le silence et accéder à la justice.
» Nous avons mis en place cette initiative pour aider les survivantes des violences sexuelles à surmonter leurs peines et différents traumatismes connus après avoir été violées, mais aussi et surtout pour les aider dans les processus d’accéder à la justice », explique-t-elle.
Cette dernière indique que son organisation avec l’appui la fondation Panzi, accompagne actuellement plus de 200 survivantes des violences sexuelles du groupement de Kaniola afin qu’elles recouvrent justice. Ceci avant de souligner que son organisation fait face à plusieurs défis, dont le manque des moyens financiers et partenariat pour porter plus haut la voix de la femme et surtout des survivantes des violences sexuelles.
Pour l’année 2020, le rapport de ONU femmes sur les violences sexuelles en RDC, renseigne qu’en 6 mois le pays a connu un taux d’accroissement de 28% avec 26 910 cas enregistrés indique ce rapport.
De son côté Solange Lwashiga, Secretaire Executive du CAUCUS des Femmmes des droits humains et particulièrement ceux des femmes pense qu’il est difficile pour des survivantes des violences sexuelles d’accéder à la justice en RDC surtout dans des coins post conflit.
» Accéder à la justice congolaise pour les survivantes des violences sexuelles par elles-mêmes
dans des zones où il y a encore des groupes armés n’est pas facile dans notre pays. Nous sommes là pour accompagner et les aider dans la défense des leurs droits afin de lutter ensemble contre l’impunité dans notre pays. La grande partie revient aux survivantes car c’est à elles de collaborer pour qu’on y arrive. Se regrouper dans une association est un pas car de là, elles vont définir des stratégies pour briser le silence”, laisse entendre Solange Lwashiga.
Pour sa part, maître Néné Bintu avocate au barreau de Bukavu renseigne que les violences sexuelles dont sont victimes les femmes de la province du Sud-Kivu et celles du groupement de
Kaniola à walungu, déstabilisent les victimes. Cette situation les traumatisent et leur créent
beaucoup de difficultés. D’où la nécessité selon elle de déférer les auteurs des viols devant la justice pour qu’ils répondent de leurs actes.
« Plusieurs victimes n’ont pas les moyens pour amorcer les processus judiciaires. Nous les encourageons à toujours se solidariser et à se renseigner auprès des organisations qui militent
contre les violences sexuelles. Elles peuvent aussi les faire auprès du barreau pour diverses orientations afin qu’elles recouvrent justice », a-t-elle poursuivi ».
Selon la spécificité de l’infraction de violences sexuelles, la prescription est de droit commun. Les infractions de violences sexuelles constitutives de crimes de guerre, des crimes contre
l’humanité, de génocide sont imprescriptibles.
Contacté à ce sujet, le chef de groupement de Kaniola Monsieur Matambura Balolebwami fait savoir que suite à ses plaidoyers et ceux des différentes organisations de défense des droits femmes, les survivantes de violences sexuelles de sa juridiction bénéficient actuellement de l’accompagnement de la Fondation Panzi afin qu’elles soient remises dans leurs droits et voir tous leurs bourreaux subir la rigueur de la loi, mais aussi et surtout pour que ces hors la loi servent
d’exemple à leurs collègues qui sèment terreur et désolation dans son entité.
« Auparavant, ces femmes vulnérables n’étaient pas assistées, mais actuellement nous sommes en train de travailler avec la Fondation Panzi qui est en train de s’occuper d’elles dans la
mobilisation, la prise en charge psychosociale et en leur dotant des moyens nécessaires pour leur survie. Nous avons vécu plusieurs cas de violences sexuelles commis par des hommes en
armes qui étaient basés dans la forêt de Nyamugaba. Nous suivions de près cette situation et nous y avons travaillé et nous continuons à y travailler afin que les violeurs répondent de leurs
actes devant la justice », poursuit-il.
A Matambala d’ajouter que plusieurs femmes ont été violées depuis les années 1996 jusqu’en 2008 dans le groupement de Kaniola en territoire de Walungu dans la province du Sud-Kivu dans L’Est de la République Démocratique du Congo. Lesquels actes commis par les rebelles des groupes armés qui demeurent jusqu’aujourd’hui impunis. Ce dernier invite les victimes des violences sexuelles de continuer à collaborer avec les autorités politico-administratives et judiciaires, en dénonçant leurs bourreaux afin que justice soit faite.
Victor Zaluke, JDH