Sud-Kivu: Persistance des cas des violences conjugales dans les territoires et villes de la province

Les cas des violences conjugales continuent d’être notifiés en République Démocratique du Congo et dans les différents territoires et villes de la province du Sud-Kivu en particulier. Dans ce coin du pays, des nombreuses femmes subissent au quotidien des violences conjugales qui conduisent à plusieurs conséquences pour certaines. Ces situations sont à la base, des décès, la perte d’estime de soi, les traumatismes psychologiques, des divorces, des infirmités, pour ne citer que cela. Ceci parce que beaucoup de personnes pensent que les viols conjugaux ne sont pas des crimes et ne les dénoncent pas. Ce qui fait que cette pratique reste impunie par les instances judiciaires.

Pour le seul mois de janvier 2022 au Sud-Kivu, trois femmes ont trouvé la mort des suites de violences conjugales. Parmi ces cas il y a la journaliste Charline Kitoko battue et décédée des coups et blessures administrés par son époux, Jacqueline Mwankani tabassée et décédée de ses blessures après avoir refusé des sollicitations sexuelles de son mari qui est un militaire des Forces Armées de la République Démocratique du Congo (FARDC) ainsi qu’Anne Marie Buhoro défenseuse des droits humains qui a reçu 4 balles au niveau de la hanche, tirées par son partenaire, une situation qui a causé sa mort.

Des survivantes des violences conjugales indiquent qu’elles sont souvent tabassées par leurs maris suite à des incompréhensions qui peuvent être gérées par le dialogue.

C’est le cas de Busime nom d’emprunt habitant dans l’une des trois communes de la ville de Bukavu.

« J’ai 7 enfants et mon mari ne sait pas que moi et les enfants nous pouvons avoir besoin de quelque chose. Il rentre toujours tard la nuit en état ivre, et si j’ose refuser l’acte conjugal, il me bat comme un serpent. Il m’a fait chasser à l’endroit où je travaillais et nous a abandonnés et est parti vivre avec une jeune fille », révèle Busime.

Le cas de Busime n’est pas un cas isolé, d’autres personnes qui sont ou ont été témoins des cas des violences conjugales dans leurs milieux racontent.

« C’est vraiment étonnant de le dire. Ma mère est âgée de 50 ans et elle est malade mentale. Elle a une prescription psychiatrique qui lui demande de s’abstenir des relations conjugales, mais mon père, le lui réclame et la harcèle tous les jours. Sur son refus, elle passe la nuit hors du toit conjugal », raconte Aline, nom d’emprunt témoin des violences conjugales dont sa mère est victime.

« Je suis habitante dans un des quartiers de la commune d’Ibanda à Bukavu, ma voisine a été mise à la porte par son mari, parce qu’elle mettait au monde seulement des enfants filles. Son mari lui a dit que les filles ne sont pas des enfants et elle vit présentement chez les voisins », a laissé entendre cette femme qui a requis l’anonymat.

« Je connais une femme de mon entourage qui a été battue par son mari qui l’accusait à tort d’être infidèle, battue à mort, la femme qui saignait partout a été acheminée à l’hôpital et elle est morte de ses blessures. Le mari s’est enfui et on ne sait pas où il peut être pour le moment », raconte Mapendo, nom d’emprunt voisine de la victime qui a vécu le scénario.

Face à cette situation, les organisations de la société civile qui interviennent dans la protection, la promotion et la défense des droits des femmes et filles en RDC ne restent pas silencieuses. Solange Lwashiga, secrétaire exécutive du Caucus des femmes pense que les autorités et les organisations de défense de droits des femmes devraient renforcer la socialisation autour de questions de mariage et la vie entre conjoints. Elle estime que la persistance des violences conjugales au Sud-Kivu est due par le fait que plusieurs victimes préfèrent le silence en lieu et place de dénoncer leurs bourreaux.

« Dans le nombre de cas que nous avons reçus, plusieurs violences conjugales sont commises suite au refus des sollicitations sexuelles des maris qui pensent que leurs femmes sont là pour leur offrir que le plaisir sexuel à tout moment même quand elles sont malades ou fatiguées par le travail. Ces violences prennent des ampleurs imaginables et certains cas sont connus et d’autres non car ne sont pas dénoncés » révèle-t-elle.

Et d’ajouter :

« Nombreuses femmes victimes de ces violences ne les dénoncent pas, souvent par ignorance de leurs droits. Le caucus des femmes avec d’autres organisations de défense des droits humains et ceux des femmes en particulier, continuent des sensibilisations à travers les formations sur le renforcement des capacités des femmes sur leurs droits pour qu’elles sachent comment les protéger. Nous conscientisons aussi les hommes sur la masculinité positive afin de mettre ensemble hors d’état de nuire les violences conjugales dont sont victimes plusieurs femmes de la part de leurs maris », renchérit Solange Lwashiga.

Pascal Mupenda, avocat au barreau de Bukavu regrette de voir qu’il n’y a pas une loi spécifique sur les violences conjugales et domestiques en RDC.

« C’est avec regret que nous observons que dans l’arsenal juridique congolais, il n’y a jusque-là aucune disposition légale et aucune alors qui réprime les violences conjugales et domestiques. C’est très regrettable de voir même comment certaines femmes sont tuées ou violentées par leurs maris et ces infractions restent toujours impunies. C’est pourquoi nous sommes en train de plaider pour qu’il y ait soit un édit provincial portant répression des violences conjugales et domestiques au Sud-Kivu ou soit pousser pour qu’il y ait en RDC une loi qui réprime ces genres d’infractions parce qu’ils continuent de prendre de l’ampleur », indique Maître Pascal Mupenda.

Et de poursuivre :

« Le seul aspect qui est puni par la loi, c’est lorsqu’il y a coups et blessures que le code pénal à travers ses articles 46 et 47 livre 2 sanctionne», martèle-t-il.

Mupenda appelle cependant les victimes de cette pratique de procéder à la dénonciation en approchant les acteurs de la société civile, les défenseurs des droits de l’homme et même les avocats pour qu’elles les orientent dans les procédures judiciaires. Cela pour décourager les actes des violences conjugales dont elles sont victimes et que les coupables soient punis conformément à la loi.

Contactée à ce sujet, la cheffe de Division du genre, famille et enfants au Sud-Kivu, Madame Jacqueline Ngengele, indique que la persistance des cas des violences conjugales dans les territoires et villes du Sud-Kivu est du reste une préoccupation au niveau de ses services. Elle appelle les survivantes à briser la peur et collaborer avec les autorités en dénonçant tout cas suspect entraînant des violences conjugales. Cela pour prévenir les conséquences qui peuvent surgir en cas de non dénonciation.

« Il est vrai que les violences conjugales sont devenues récurrentes dans la province du Sud-Kivu et nous avons des cas palpables. Il y a des témoignages des certaines victimes qui viennent dénoncer ces actes dont elles sont victimes de la part de leurs maris et nous à notre niveau, nous les accompagnons tout comme nous le faisons pour d’autres survivantes des violences sexuelles et celles basées sur le genre afin que les coupables soient punis. C’est ainsi que nous demandons à d’autres victimes de ne pas garder le silence mais plutôt dénoncer leurs bourreaux», insiste Jacqueline Ngengele.

Cette dernière invite par ailleurs, les chefs des ménages à une collaboration avec leurs femmes pour l’harmonie de leurs familles au lieu et place de faire usage aux violences. Elle rassure l’implication de ses services dans la lutte contre les violences conjugales dans la province du Sud-Kivu.

Pour lutter contre les violences conjugales en RDC et dans la province du Sud-Kivu en particulier, Solange Lwashiga plaide pour le vote d’une loi spécifique interdisant toutes formes des violences sexuelles y compris les violences domestiques et conjugales.

«Un autre problème qui fait à ce qu’il ait persistance des violences conjugales, c’est que nous avons une nouvelle loi sur les violences sexuelles, mais en RDC, nous n’avons pas une loi spécifique incriminant toutes les formes des violences basées sur le genre y compris les violences conjugales et domestiques. L’absence de cette loi fait que beaucoup d’hommes continuent de mettre la main sur leurs épouses, les tapent, les injurient jusqu’à arriver même à les tuer », recommande-t-elle.

Moïse Aganze, JDH, Jambordc.info

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