Sud Kivu : Les survivantes des harcèlements sexuels en milieux professionnels appelées à saisir les instances judiciaires pour dénoncer leurs bourreaux

Le harcèlement sexuel en milieu professionnel reste une réalité dans le secteur professionnel de la province du Sud Kivu. Plusieurs victimes de cette pratique ont perdu leur travail et d’autres qui ont tenté de résister traversent le calvaire dans les entreprises. Elles refusent d’abandonner par peur de perdre leur travail et sont obligées, malgré elles, de travailler dans des conditions parfois difficiles.

C’est le cas de Rosal (nom d’emprunt), qui a perdu le boulot après avoir refusé de céder aux caprices, souvent tendancieux, de son supérieur hiérarchique.

« J’étais employée comme stagiaire dans une organisation. Mes prestations ont été appréciées par mes supérieurs hiérarchiques au dernier mois du stage, je devais être engagée », explique Rosal.

« Ce dernier mois fut, pour moi, un mois de calvaire. Nous terminions souvent le travail à 16h00, mais il s’arrangeait pour me trouver un travail qui pouvait me retenir au bureau jusqu’au-delà de 16h00 pour que je puisse rester avec lui à son bureau. Pendant qu’on travaillait, il me disait qu’il devait me confirmer à mon poste si, du moins, je pouvais accepter lui offrir ce qu’il appelait souvent ‘’soirée intime’’, et là j’ai compris qu’il me sollicitait pour des fins sexuelles », révèle-t-elle.

« Un jour je lui demande l’autorisation de sortir un peu avant comme j’avais un enfant malade, il me dit que nous devrions sortir ensemble au cours de la soirée (…) Quelques jours après il m’a envoyé une offre d’emploi qu’ils ont publié sur le poste que j’occupais pendant mon stage, il m’a demandé si je pouvais postuler. J’ai déposé ma candidature et j’ai passé le test auquel j’ai bien réussi. A la veille de l’entretien, il va m’appeler un soir pour me demander si je pouvais lui rencontrer pour qu’il me parle de mon entretien d’embauche qui devait avoir lieu la journée suivante, et comme j’avais vraiment besoin d’emploi et encore à mon ancien poste, malgré les sollicitations de mon chef, j’ai accepté. Tellement que je m’étais fait accompagner, lorsque nous nous sommes rencontrés, il a contourné l’objet de mon invitation et il nous avait parlé d’autres choses se faisant passer pour quelqu’un qui était pressé. Après qu’on se soit séparé, je reçois son appel m’interdisant de passer à l’entretien comme ‘’je me prends pour un ange’’ selon ses propos. C’est ainsi que j’ai perdu le boulot », regrette-t-elle.

Au cours de l’année 2021, l’Intersyndical du Sud Kivu a documenté 11 cas de harcèlement sexuel en milieu professionnel dont ; 3 cas dans les divisions de la fonction publiques, 3 cas dans les ONG internationales et 6 cas dans les entreprises privées et para étatiques.

Cette structure se dit être en train de mener des sensibilisations afin de tenter de réduire tant soit peu les cas des harcèlements sexuels dans le monde du travail au Sud Kivu. Tout en reconnaissant que le harcèlement sexuel en milieu du travail reste un problème d’ordre social, l’Intersyndical du Sud Kivu fait la documentation des cas, et les transfère à la Clinique juridique de la Fondation Panzi pour une prise en charge juridique.

« Nous sommes en train de rédiger un manuel de sensibilisation et de conscientisation sur le harcèlement sexuel. Nous allons le rendre disponible dans des entreprises partout afin d’amener les travailleurs victimes à dénoncer le cas pour qu’en fin la justice fasse son travail (…) nous sommes également en train d’élaborer un projet de lutte contre le harcèlement sexuel dans le milieu professionnel et penser à continuer la vulgarisation des textes légaux dans ce même sens », renseigne Kyalumba Lugano Padyry, Président de l’intersyndical du Sud Kivu.

Etant conscient de leur mission de contrôle, de médiation et de la conciliation, l’Inspection provinciale du travail au Sud Kivu estime que le harcèlement sexuel en milieu professionnel c’est une matière pénale qui ne doit pas seulement se limiter à son niveau. Cela conformément aux dispositions de l’arrêté n°12 du 26 octobre 2005 portant interdiction du harcèlement moral ou intellectuel dans l’exécution d’un contrat de travail qui, à son deuxième article stipule que « tout fait constitutif de harcèlement sexuel ou moral est prohibé dans les relations professionnelles, notamment en matière d’apprentissage, d’embauche, de rémunération, de formation, d’affection, de mutation, de résiliation ou de renouvellement du contrat »

« Nous conseillons également aux entreprises d’intégrer dans les protocoles d’accord dans leurs règlements. Nous saisissons également la clinique juridique de la Fondation panzi lorsque nous avons des victimes de harcèlement sexuel en milieu professionnel car c’est une matière pénale qui ne doit pas seulement se limiter à notre niveau », indique Pacifique Kijana Zihalirwa Chef de bureau à l’Inspection provinciale du travail au Sud Kivu.

Il demande à tout travailleur qui serait victime du harcèlement sexuel en milieu professionnel de bannir la honte et saisir l’Inspection provinciale du travail afin qu’il soit accompagné vers des services juridiques qui traitent ces questions.

Maitre Aimé MUFUNGIZI, Avocat au barreau de Sud Kivu, renseigne que, la loi de 2006 sur les violences sexuelles définie les sanctions opposables à tout auteur de harcèlement sexuel en milieu professionnel.

Il fait allusion à la loi nº06/018 du 20 juillet 2006, modifiant et complétant le décret du 30 janvier 1940 portant Code pénal congolais qui stipule que « quiconque aura adopté un comportement persistant envers autrui, se traduisant par des paroles, des gestes, soit en lui donnant des ordres ou en proférant des menaces ou en imposant des contraintes, soit en exerçant des pressions graves, soit en abusant de l’autorité que lui confèrent ses fonctions en vue d’obtenir de lui des faveurs de nature sexuelle sera puni de servitude pénale d’ un à douze ans et d’une amende de cinquante à cent mille francs congolais constants ou d’une de ces peines seulement. Les poursuites seront subordonnées à la plainte de la survivante ».

Faisant allusion à l’orientation des survivantes des harcèlements sexuels en milieu professionnel vers des structures juridiques pour leur prise en charge, Regine Ntawigena, membre de la composante femme du Bureau de coordination de la société civile du Sud Kivu, leur recommande de saisir les organisations de défense des droits des femmes et des cliniques juridiques pour leur accompagnement en justice.

Elle invite les employeurs de mettre à la disposition des employés des boîtes à  suggestion à travers lesquelles les femmes peuvent émettre des propositions concrètes pour lutter contre ce fléau car elles ont souvent peur de dénoncer ouvertement des cas de harcèlements sexuels en milieu professionnels par peur de perdre le boulot, surtout lorsqu’il s’agit de leurs chefs directs.

Théophile OMBENI, JDH.

 

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