Sud-Kivu : le manque d’une loi spécifique sur les violences domestiques, un frein pour la réhabilitation des survivantes

La multiplicité de cas de violences conjugales reste un problème au Sud-Kivu et dans les zones rurales en particulier. Bien quelle soit la forme la plus répandue des violences sexuelles et basées sur le genre en RDC, elle semble être considérée comme normale dans plusieurs communautés.

Des rapports des organisations des femmes et d’aide juridique affirment quil est très rare que les femmes dénoncent la violence conjugale. Fort malheureusement, celles qui prennent ce courage de dénoncer ce crime nont pas la protection totale car ne bénéficient pas dune garantie judiciaire. Ceci suite à la non existence dune loi spécifique qui réprime les violences domestiques. Les victimes, les acteurs de la société civile et les défenseurs des droits humains sindignent de linsouciance du législateur congolais dans la protection des victimes des violences domestiques à l’égard des femmes et filles en particulier.

Depuis début 2022, des cas de violences domestiques qui ont entraîné la mort des victimes ont été recencés au au Sud-Kivu. Des jugements ont été rendus mais en se fondant au droit commun. Fort malheureusement, des cas des tueries des femmes par leurs conjoints et compagnons ne cessent dêtre répertoriés ce dernier temps dans différents coins de la province du Sud Kivu.

C’est notamment le cas de Destin Mutu’Ungi Waubile condamné à 15 ans de prison ferme avec dommages intérêts par le tribunal de grande instance de Kamituga en territoire de Mwenga, siégeant en chambre foraine. Il a été jugé coupable du meurtre de sa femme Charline Kitoko Safi, tuée suite aux coups et blessures. Dans le même territoire de Mwenga, précisément à Lugushwa, mardi 15 mars de l’année en cours, Patrick Bikoko est condamné à perpétuité soit la prison à vie par le tribunal de grande instance de Kamituga reconnu coupable de l’assassinat de sa copine Laetitia Shabani blessée suite à une dispute.

A Uvira entre février et mars, Piana Kayumba Théophile, a été condamné à perpétuité au premier degré par le tribunal militaire de garnison d’Uvira suite à l’assassinat de son épouse Masoka Etoka.

Également, à Minova dans le territoire de Kalehe le 11 février 2022, l’officier supérieur militaire Jérémie Saleh Bin Saleh a été condamné à la peine capitale ou la prison à vie par le tribunal militaire suite à l’assassinat de son épouse Anne Marie Buhoro.

Absence d’une loi spécifique

Les cas recensés et punis en justice restent malheureusement rares en République démocratique du Congo.

“Les violences conjugales font de nombreuses victimes parmi les femmes et plusieurs en meurent dans un silence consternant. Les femmes endurent des choses horribles dans les foyers. Il est déplorable que de nombreux auteurs des violences conjugales restent impunis car les victimes se soustraient de leur droit de porter plainte contre leurs bourreaux” explique Caddy Adzuba, Présidente du Conseil dadministration de AFEM. femmes subissent en silence de graves violences sans la possibilité de dénoncer.

Pour Solange Lwashiga, responsable du Caucus des femmes, une organisation de promotion des droits des femmes, l’absence d’une loi spécifique sur les violences basées sur le genre, particulièrement les violences domestiques, est un blocage pour la prévention de ce phénomène. «La loi sur les violences sexuelles comme on lappelle interdit notamment le viol, et les autres formes de violences sexuelles; le harcèlement, les injures et insulte publiques etc. Mais ninterdit pas expressément les violences conjugale et domestique et pourtant cest la violence la plus courante en RDC».

Ce qu’encourage aussi Kady Adzuba. “Il y a non seulement la nécessité de se mobiliser contre les violences domestiques et conjugales mais aussi limpératif dentamer une profonde réforme du secteur de la justice, notamment à travers la mise en place dune loi spécifique qui table sur les violences domestiques et conjugales” martele Kady Adzuba.

Difficile d’avoir une réparation

Maître Arjoule karhinda, de l’organisation Heal Africa estime qu’en temps de violences conjugales, il est difficile pour les survivantes d’obtenir réparation. L’état de la législation actuelle ne facilite pas la tâche aux victimes pour soutenir leurs allégations.

«Les violences domestiques et conjugales se produisent dans la sphère de lintimité et non rapportées. Cela fait que sur le point de la procédure judiciaire, il y a un problème étant donné que la loi ne définit pas dabord ces infractions de manière spécifique”, explique Me Karhinda. “ Quand il faut analyser les éléments constitutifs de cette infraction pour quelle soit qualifiée de violences, les juges, le ministère public ou le magistrat vont trouver une difficulté des preuves pour accentuer laccusation. Du côté de la victime, cest le même problème si elle na pas de preuves. La victime nest pas protégée et ne bénéficie pas, de ce fait, des garanties judiciaires », ajoute-t-il.

Pour cet activiste des droits humains, le législateur congolais devait plutôt prévenir des mécanismes de protection des victimes pour dissuader les violences domestiques.

“En réalité, la loi devrait prévoir ou définir ces infractions de manière spécifique en sachant comment protéger la victime depuis la phase préjuridictionnelle jusquà la phase du jugement. Je propose quil y ait un tribunal qui traiterait uniquement les questions liées aux violences conjugales. Que les magistrats soient formés sur cette nouvelle forme de violences sexuelles car les femmes meurent chaque jour, ceci déstabilise les foyers, et fort malheureusement ça a une incidence sur les enfants et toute la famille… Comme je lai dit pour les magistrats, il faudrait également une police spécialisée en cette matière », renchérit-il.

Un pas déjà pour le Sud-Kivu

Si au niveau national aucune loi n’existe encore sur la répression des violences conjugales, au Sud-Kivu, à l’initiative de la société civile, un édit a été voté il y a quatre ans mais souffre d’application.Ce qui pousse Me Néné Bintu, présidente adjointe du bureau de coordination de la société civile du Sud-kivu dit ne pas comprendre la non implication de lautorité provinciale dans cette lutte.

” L’édit portant mesures de protection des victimes des violence domestiques en province du Sud-Kivu existe. Il a été voté depuis 2018, mais non promulgué.Cest le gouverneur qui traine, on ne sait pourquoi. Cet édit est capital, car il définit dune façon spécifique les violences conjugales. Avec ça, la femme pourra dénoncer sans sinquiéter, en sachant quil y aura un appui”, confie-t-elle.

Soulignons que la République démocratique du Congo s’est engagée à éradiquer toute forme des violences sexuelles à l’égard de la femme. “Les pouvoirs publics (…) prennent des mesures pour lutter contre toute forme de violences faites à la femme dans la vie publique et dans la vie privée”, souligne l’alinéa 4 de l’article 14 de la Constitution.

Materne Nsiku, JDH/JHR-RDC.

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