Sud-Kivu: Le manque des moyens financiers constitue l’un des obstacles qui empêchent les survivantes des violences sexuelles d’aller en procès contre leurs bourreaux.

“Il y a cette conviction au sein des victimes que la justice n’est pas pour tout le monde. Et pour les rares personnes qui y vont, les lourdeurs administratives et juridiques les dissuadent à affronter les procédures judiciaires”, indique Me Justin Bahirwe, coordinateur de l’organisation SOS Informations juridiques et multisectorielles. Au Sud-Kivu, à l’Est de la République démocratique du Congo, son organisation accompagne depuis une dizaine d’années des survivantes des violences sexuelles.Mais, le manque des moyens financiers constitue  aussi l’un des grands obstacles qui empêchent les survivantes d’aller au bout des procès. “Nous avons des cliniques juridiques pour une assistance gratuite dans quelques villages. Mais il y a d’autres sites où les gens ne bénéficient pas d’une telle assistance gratuite. Et là, ils doivent payer, seuls, tous les frais de procédure que ce soit à la police, au parquet ou au tribunal ”, indique Me Bahirwe. Ce qui pousse, d’ailleurs, plusieurs survivantes à ne pas dénoncer.

C’est le cas de M’Mushekuru*, 43 ans, habitant de Buhandahanda. Un petit village situé dans le groupement de Bugorhe en territoire de Kabare au nord de la ville de Bukavu.

L’histoire se passe au mois de février 2021.  “J’ai été violée par trois hommes pendant que j’entretenais mon champ. Je les avais reconnus car ils vivent dans mon quartier. Ils m’ont brutalisé et m’ont violée à tour de rôle”, raconte-t-elle.

Faute de moyens financiers, elle n’a pas porté plainte contre ses violeurs. “J’aimerai bien aller en justice mais cela coûte énormément cher, les avocats et le parquet exigent beaucoup d’argent et je n’ai pas quoi payer». Ainsi, par peur que son histoire filtre et l’expose aux moqueries des membres de son village, elle a préféré garder le silence.

Difficile de dénoncer

A Bukavu, plusieurs organisations accompagnent les survivantes des violences sexuelles pour leur réinsertion socio-économique. L’organisation Uwezo Afrika initiatives se spécialise aussi, depuis près de cinq ans, dans cet accompagnement. Mais, Douce Namwezi, sa directrice, regrette que l’accès à la justice continue à poser problème pour la majorité de survivantes.

“C’est très rare  les cas des victimes qui ont déjà abouti à la réparation. Certaines arrivent, par exemple, à un accompagnement juridique, médical ou psycho-social mais en général, elles ne sont pas indemnisées. Certains auteurs sont aussi pauvres économiquement pour payer les réparations. Parfois aussi la justice finit par classer les dossiers sans suite. Cela décourage les survivantes”, indique-t-elle. “ Il y a aussi d’autres facteurs qui interviennent tels que les lourdeurs administratives mais le manque de moyens financiers constituent le premier frein pour beaucoup des survivantes’, ajoute Namwezi.

Pour plusieurs activistes et organisations de défense des droits des femmes, il revient aux autorités  de mettre en place des mécanismes permettant un meilleur accès des survivantes à la justice et à la réparation.

Il faut créer également un fonds d’aide pour l’accès à la justice au profit des victimes des violences sexuelles”, recommande Me Vianney Fikiri, défenseur judiciaire près le Tribunal de grande instance de Bukavu, “Cela pourra aider à prendre  en charge les frais de justice pour les victimes et assurer leur indemnisation en cas de condamnation des auteurs”, précise-t-il.

Me Fikiri plaide aussi pour l’adoption d’une loi sur l’aide et l’accès à la justice en faveur des survivantes des violences sexuelles en République démocratique du Congo.

Du côté des autorités, on affirme disposer des mécanismes pour accompagner les survivantes et mettre fin à l’impunité des violences sexuelles.  « Avec ou sans moyen, nous demandons à toutes les survivantes de dénoncer et de ne pas hésiter de contacter nos structures juridiques pour recevoir l’accompagnement afin d’obtenir justice », affirme Jospin Bitafwana, ministre de la justice et droits humains de la province du Sud-Kivu. En effet, le gouvernement du Sud-Kivu, travaille depuis une dizaine d’années avec des cliniques juridiques implantées par des organisations humanitaires pour accompagner les survivantes en justice.  « Lorsque nos services juridiques reçoivent des cas, ils les orientent vers les cours et tribunaux ou vers les cliniques juridiques de nos partenaires pour l’accompagnement juridique », révèle-t-il. Mais ces cliniques dépendent entièrement des financements étrangers et qui sont, du reste,  limités. “Ce qui ne permet pas à toutes les survivantes de bénéficier de ce service”, précise Douce Namwezi.

En République démocratique du Congo loi réprime tout acte de viol. “,Quiconque sera reconnu coupable de viol sera puni d’une peine  de servitude pénale de cinq à vingt ans et d’une amende”, insiste l’article 170 de la loi sur les violences sexuelles. Mais l’accès à la justice continue à être un grand défi pour la plupart des survivantes. D’où la nécessité des réformes des réformes attendues par les activistes et organisations de lutte contre les violences dans le pays.

 Cet article a été produit en collaboration avec Journalistes pour les droits humains, JDH/JHR avec l’appui d’Affaires mondiales Canada.

Sandra Bashengezi

 

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