Discours au congrès : Voici les 5 faits qui prouvent que Kabila ne veut pas quitter pouvoir

Le président Joseph Kabila a prononcé ce jeudi 19 juillet son discours à la nation en présence des députés et sénateurs réunis au congrès.

Alors que tout le monde, ou presque, s’attendait à ce qu’il fasse une annonce solennelle sur son avenir politique, le président a  plutôt joué à son mutisme habituel. Et cela, curieusement, à seulement une semaine du début des dépôts des candidatures pour la présidentielle prévue du 25 juillet  au 8 août 2018.

S’il y a quelques jours, le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guiterez, annonçait que Kabila ferait d’importantes déclarations, ce qui aurait conduit à l’annulation puis au report de sa visite au Congo, il n’en a pas été le cas dans son discours.

Peut-être que le mystérieux Kabila, comme d’habitude ne veut pas trop parler. Mais on peut toutefois interpréter son langage corporel ou verbal de ce jour pour nous faire une idée sur ses intentions.

Après son discours prononcé devant le congrès, voici les cinq  faits qui, à notre analyse, prouvent que Joseph Kabila veut briguer un 3e mandat.

  1. Monter les escaliers en courant

Tout le monde le sait et ce n’est plus un secret, la coiffure du président Kabila a changé. Le président aux allures plutôt jeunes et timide de 2006 et  2011, se présente désormais avec sa chevelure et sa barbe teintée aux allures d’un homme mur et mature.

Déjà à son arrivée au Congrès à 15 heures, Kabila pose un acte inhabituel : il monte les escaliers du palais de la nation en courant accompagné de sa garde. Ce geste anodin symbolise pourtant plein de choses.

Joseph Kabila savait bien ce qu’il faisait en ce moment précis. Face à des caméras du monde entier braquées sur lui, il a voulu transmettre un message clair : je suis encore jeune, j’ai la force, la vigueur, le courage, l’énergie et la santé. Donc à tous ceux-là qui voulaient voir un Kabila abattu par la pression internationale et le contexte actuel du pays, il a prouvé le contraire.

  1. Un accoutrement « bleu » pour dire « je suis serein »

Si moins de gens ont tiré d’attentions sur ce détail, l’accoutrement de Joseph Kabila pour ce discours au congrès est aussi porteur d’un message. Le président est venu, habillé en costume ensemble bleu, cravate bleue et une chemise bleue ciel.

Le choix de cette couleur, à ce moment précis n’est pas anodin, c’est aussi un message politique clair. En effet, la couleur bleue symbolise en soi la paix, le calme, la sérénité, la fraicheur, la sagesse.

C’est donc  un message envers ses détracteurs pour dire en quelque sorte : je n’ai pas peur de vous, je suis serein.

  1. Ma passion pour le Congo

En 1992, le président Mobutu lors de son discours pour l’ouverture de l’espace politique au Zaïre (rebaptisé RDC en 1997), a coulé quelques larmes avant de déclarer « comprenez mon émotion ». A cette étape de son histoire, Mobutu était affaibli tant à l’extérieur qu’à l’intérieur du pays et s’était ainsi vu obligé de céder à la pression internationale pour démocratiser le pays après près de 28 ans de règne.

C’est par un rappel inattendu de cette page de l’histoire que Kabila introduit son discours.

« Je sais pourquoi il y a une tension. C’est parce que dans cette salle, il y a ceux qui pensent qu’aujourd’hui coûte que coûte, impérativement quelque part dans mon discours je dois dire mesdames et messieurs comprenez mon émotion », ironise-t-il avant d’ajouter « Mais c’était il y a 28 ans. Et je ne vous dirais pas mesdames et messieurs comprenez mon émotion. Mais ça sera plutôt comprenez ma passion pour le Congo ».

Cette petite introduction du président Kabila en dit long sur tout le reste.  Cela pourrait dire qu’il ne souhaite pas  céder le pouvoir selon l’entendement de ceux-là qui lui mettent la pression. Il ne pense pas se laisser imposer ses choix par la pression qu’elle vienne de la communauté internationale ou de l’intérieur. Cela a d’ailleurs été le centre de son discours on ne peut plus souverainiste.

En effet, depuis plusieurs mois, une pression forte est exercée sur le président Kabila pour qu’il déclare solennellement qu’il ne sera pas candidat pour les prochaines élections. De nombreuses sanctions ont été prises contre lui et son entourage pour l’y contraindre. Tout le monde dénonçant surtout son silence sur son avenir politique et sur son intention à briguer un autre mandat.

  1. Je respecterais la Constitution

Cette phrase « chérie » du président Kabila affirmant qu’il respectera la constitution peut être vue comme une répétition inutile. Pourtant cela n’est pas le cas. C’est l’essentiel de la stratégie de son maintien au pouvoir.

En 2015, après les concertations nationales, le président répondant toujours à la question de sa probable représentation avait déclaré « je respecterais la Constitution dans toutes ses dispositions ». On le pensait finissant. Certains disaient même que son sort était scellé et qu’il partirait à l’expiration de son mandat une année plus tard.

Mais c’était  avant qu’ils ne soient rattrapés par la vérité cachée de la même Constitution. « Le Président de la république reste en fonction jusqu’à l’installation effective du nouveau président élu », avait simplement tranché la Cour Constitutionnelle citant l’article 70 alinéa 2 de la … Constitution  de la RDC.

Cette vérité têtue fait que le Président Kabila reste encore au pouvoir aujourd’hui quels que soient les arguments des opposants.  Plusieurs années plus tard, c’est toujours sa réponse chaque fois qu’il est appelé à parler de son avenir politique.

C’est vrai qu’il gagne du temps. Mais aussi, ce qui est important,  il cherche des failles dans la loi fondamentale pour les exploiter en sa faveur.

Aujourd’hui, le sujet de sa représentation n’est plus un tabou dans sa famille politique. Déjà le PPRD, le parti présidentiel, clame à qui veut l’entendre que Kabila a encore le droit de se représenter pour l’élection du 23 décembre 2018. Le MIR, Mouvement des indépendantistes réformateurs, aussi parti de la majorité a même prévenu qu’il présentera la candidature de Joseph Kabila.

Devant un débat constitutionnel inintelligible pour les non initiés se cache aujourd’hui toute la stratégie du 3e mandat. Et d’après le schéma actuel, il reviendra à la Cour Constitutionnelle de trancher ce débat. Et comme on le sait, ce sont ses proches qui y siègent. La réponse ne pourra être qu’en sa faveur.

  1. Pas de dauphins

C’était ça l’annonce la plus attendue tant en RDC qu’à l’international lors de ce discours. Kabila devait déclarer solennellement qu’il ne sera pas candidat et qu’il choisira un dauphin pour déposer sa candidature d’ici le 25 décembre. Mais rien du tout.

« Le Congo a besoin de Kabila et ne pas le comprendre c’est sacrifier la nation », a simplement tranché Bernard Zagabe un membre de l’AMP au Sud Kivu après le discours de Kabila.

Kabange Kabila Joseph sera donc probablement le dauphin de Joseph Kabila Kabange comme le déclarait récemment un autre cadre du PPRD dans une radio locale.

Heureusement que le moment du suspens n’est plus assez long. Dans moins de deux semaines  on saura exactement si Kabila a décidé de céder le pouvoir ou simplement voudra-t-il s’y accrocher.

L’avenir nous dira aussi ce qui pourra se passer dans le pays s’il décidait de le faire.

Selon la Commission électorale nationale indépendante, CENI, la période pour les dépôts des candidatures pour les candidats députés nationaux et présidents de la république est fixée du 25 juillet au 8 août 2018.

Prince Murhula

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